Contre le dispositif de nasse, la LDH saisit la justice

Dans sa version publiée le 16 septembre 2020, le Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) prévoyait en son point 3.1.4 que « sans préjudice du non enfermement des manifestants, condition de la dispersion, il peut être utile, sur le temps juste nécessaire, d’encercler un groupe de manifestants aux fins de contrôle, d’interpellation ou de prévention d’une poursuite des troubles. Dans ces situations, il est systématiquement laissé un point de sortie contrôlé aux personnes »

La LDH a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation à l’encontre de cette disposition en ce qu’elle constitue une violation de la liberté de manifester. En savoir plus sur la nasse.

Le 10 juin 2021, la haute juridiction administrative en prononçait l’annulation en jugeant que « si la mise en œuvre de la technique de l’encerclement, prévue par le point 3.1.4 du SNMO, peut s’avérer nécessaire dans certaines circonstances pour répondre à des troubles caractérisés à l’ordre public, elle est susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester, d’en dissuader l’exercice et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir. Les termes du point 3.1.4 du SNMO se bornent à prévoir que « il peut être utile » d’avoir recours, sans encadrer précisément les cas dans lesquels elle peut être mise en œuvre. Faute d’apporter de telles précisions, de nature à garantir que l’usage de cette technique de maintien de l’ordre soit adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances, […] le point 3.1.4 et entaché d’illégalité ».

En décembre 2021, le ministère de l’Intérieur a publié une nouvelle version du SNMO en cherchant à tenir compte de la décision rendue par le Conseil d’Etat, réécriture demeurant néanmoins illégale.

Le caractère systématique du dispositif d’encerclement des manifestants entraine une codification de l’exercice de la manifestation incompatible avec la liberté de manifestation. Ensuite, la présence policière parmi les manifestants que suppose un tel dispositif porte une atteinte directe à la liberté de manifestation en ce que les policiers ne participent pas à la formation de l’opinion collective exprimée constitutive de la liberté de manifestation. Pour finir, le dispositif d’encerclement implique la création d’un « espace de manifestation » incompatible avec la liberté de manifestation.

Suite au recours en annulation contre la deuxième version du SNMO du 15 février 2022, le Conseil d’Etat réaffirme le 29 décembre 2023 les présupposés de sa décision de 2021 concernant la technique de la nasse, mais il considère cette fois-ci malheureusement que l’encadrement règlementaire est adapté :

« si la mise en oeuvre d’une technique consistant à encercler un groupe de manifestants peut s’avérer nécessaire dans certaines circonstances pour répondre à des troubles caractérisés à l’ordre public, elle est susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester, d’en dissuader l’exercice et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir. Par suite, son utilisation doit être nécessaire, adaptée et proportionnée au risque d’atteinte à l’ordre public constaté. Il ne peut y être recouru que lorsqu’il s’agit de la mesure la moins intrusive permettant de prévenir les risques de troubles à l’ordre public constatés.

Il ressort des termes mêmes du document attaqué qu’il ne peut être recouru à la technique de l’encerclement que pour prévenir des violences graves et imminentes contre les personnes et les biens ou les faire cesser, pendant une durée strictement nécessaire et proportionnée, et que des points de sortie contrôlés doivent être obligatoirement ménagés pendant la mise en oeuvre de cette technique, sauf à ce que les contraintes particulières d’ordre public y fassent obstacle.

Par ailleurs, la mise en place d’un point de sortie contrôlé, qui permet aux personnes encerclées de regagner la manifestation, n’a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de permettre aux autorités compétentes de procéder à des contrôles d’identité dans des conditions non prévues par l’article 78-2 du code de procédure pénale. »

 

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