Mayotte : la haine provoquée par l’opération Wuambushu menée par le ministre de l’Intérieur se répand

La LDH et ses partenaires associatifs saisissent en urgence la juridiction administrative pour empêcher l’escalade de la haine provoquée par un tract visant à l’expulsion des étrangers en situation irrégulière.

Un tract diffusé durant plusieurs jours aux habitants de la commune de Bouéni mentionnait (sic) :

« Avis aux habitants du village de Hagnoundrou

La population de la commune de Hagnoundrou informe qu’une opération d’expulsion des étrangers en situation irrégulière aura lieu le dimanche 14 mai 2023 :

Ainsi les étrangers en situation irrégulière qui habitent le village de Hagnoundrou doivent quitter les lieux avant le 13 mai 2023 dernier délais.

N’oublier pas d’emmener vos enfants avec vous. Ils font partie de vos bagages.

La population du village de Hagnoundrou »

La LDH, la Cimade, le Gisti, la Fasti et l’ADDE ont décidé de saisir le tribunal administratif d’un référé-liberté afin qu’il soit enjoint au préfet de Mayotte et au maire de Bouéni d’interdire par arrêté la marche prévue le 14 mai 2023 en raison des risques sérieux de troubles à l’ordre public, qu’il serait très difficile aux forces de police de maîtriser dans un climat de vive tension et de son caractère ouvertement xénophobe et attentatoire aux valeurs et principes républicains ainsi qu’à la dignité de la personne humaine.

Les associations fondaient leur requête notamment sur une précédente décision rendue par le tribunal administratif de Mayotte.

Dans une affaire en tout point similaire, par une décision en date du 4 juin 2016, le président du tribunal administratif statuant en qualité de juge des référés ordonnait « au maire de la commune de Kani-Kéli d’interdire la manifestation organisée par le collectif, et au préfet de mobiliser les forces de police et de gendarmerie nécessaires pour éviter que cette manifestation se déroule et garantir la sécurité́ des personnes et des biens ».

Le juge considérait que « les chasses aux clandestins organisées par des collectifs de villageois constituent des actions manifestement illégales qui sont par nature contraires au respect des valeurs et principes, notamment de dignité́ de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; que ces actions ont donné́ lieu à la Commission d’infractions pénales et à des violences faites aux personnes et aux biens constitutives de troubles graves à l’ordre public ; que la manifestation en cause devant se dérouler ce dimanche 5 juin a pour but avoué d’organiser, comme dans les autres communes du département, des expulsions de personnes d’origine étrangère qui sont hébergées ou occupent un terrain dans cette commune ; qu’une telle manifestation, dont l’objet est manifestement contraire aux lois et règlements et n’est nullement pacifique, ne saurait être considérée comme une manifestation de tradition ; que le collectif, qui n’a pas effectué́ la déclaration préalable pour l’organisation de cette manifestation, a appelé́ non seulement les habitants de Kani-Kéli, mais l’ensemble des Mahorais à y participer ; que, dans ces conditions, eu égard au contexte particulièrement tendu et dégradé de la situation sociale à Mayotte, au vu des éléments et des nombreux témoignages fournis, et alors même que de précédentes marches n’auraient donné lieu à aucun débordement à Kani-Kéli, le risque que soient à nouveau portées de graves atteintes à l’intégrité́ et à la dignité́ des personnes visées par l’organisation de cette marche est suffisamment caractérisé et imminent ».

Malheureusement, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a décidé de ne pas suivre le même raisonnement.

En effet, dans une ordonnance rendue le 13 mai, le juge des référés a rejeté la requête inter-associative. Il a considéré qu’aucun élément de l’instruction ne permettait d’affirmer que le tract aurait été diffusé, depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sur les réseaux sociaux et que les services de police avaient conclu à une rumeur isolée ; et que par conséquent il ne pouvait être tenu pour établi qu’une opération d’expulsion irrégulière menée par des habitants était prévue le dimanche 14 mai 2023 dans le village de Hagnoundrou.

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