Le Conseil constitutionnel se prononce sur les quatre nouvelles mesures de police administrative créées par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

La LDH a introduit un recours en annulation contre la circulaire du 31 octobre 2017, prise en application de la loi du 30 octobre 2017, à l’appui duquel 4 questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) concernant les dispositions issues de la loi susvisée ont été introduites devant le Conseil d’Etat.

Les mesures prévues par la loi étaient destinées à prendre le relais, en matière de lutte contre le terrorisme, de certaines mesures de police administrative mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence et, ainsi, en dotant l’État de prérogatives particulières lui permettant de faire face à une menace terroriste devenue pérenne, de faciliter la sortie de l’état d’urgence.

Or, plus que de sortir de l’état d’urgence, la loi du 30 octobre 2017 transposait globalement dans le droit commun des moyens exceptionnels prévus dans le cadre de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, les pérennisant ainsi de manière définitive dans la loi ordinaire.

Par une décision en date du 28 décembre 2017, le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil Constitutionnel les 4 QPC.

Les décisions du Conseil constitutionnel n° 2017-691 QPC du 16 février 2018 (mesure administrative d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme) et n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 (périmètres de protection, fermeture de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, visites et saisies aux fins de lutte contre le terrorisme) ont, pour l’essentiel, validé les dispositions de la loi du 30 octobre 2017 sur les points qui étaient contestés.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a déclaré certaines dispositions contraires à la Constitution et a apporté des réserves d’interprétation :

 

S’agissant des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance : 3 réserves d’interprétation et 2 censures

Réserves d’interprétation :

  • L’interdiction de fréquenter certaines personnes ne peut excéder une période cumulée de 12 mois ;
  • L’interdiction de fréquenter certaines personnes ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale. Le ministère de l’Intérieur doit tenir compte dans la détermination des personnes dont la fréquentation est interdite des liens familiaux de l’intéressé ;
  • L’interdiction de fréquenter certaines personnes ne saurait excéder, de manière continue ou non, une durée totale cumulée de 12 mois.

Censure :

  • La disposition prévoyant que le juge administratif doit statuer sur les recours pour excès de pouvoir dirigés contre ces mesures dans un délai de 4 mois. Le droit à un recours juridictionnel effectif impose qu’il y soit statué dans de brefs délais ;
  • La disposition permettant que la mesure contestée soit renouvelée au-delà de 3 mois sans qu’un juge ait préalablement statué, à la demande de la personne en cause, sur la régularité et le bien-fondé de la décision de renouvellement : report au 1er octobre 2018 de la date d’abrogation de cette disposition censurée

S’agissant des périmètres de protection : 3 réserves d’interprétation 

  • Il appartient aux autorités publiques de prendre les dispositions afin de s’assurer que soit garantie l’effectivité du contrôle exercé par les officiers de police judicaire sur les agents privés de sécurité chargés de contrôler, de fouiller et d’inspecter au sein des périmètres de protection ;
  • Si le législateur peut ne pas fixer les critères en fonction desquels sont mises en œuvre, au sein des périmètres de protection, les opérations de contrôle de l’accès et circulation, de palpations de sécurité d’inspection et de fouille des bagages et de visite de véhicules, la mise en œuvre de ces vérifications ne saurait s’opérer qu’en se fondant exclusivement sur des critères excellant toute discrimination;
  • Le renouvellement d’un périmètre de protection ne saurait sans méconnaître la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée, au-delà d’une durée de six mois, être décidé par le préfet sans que celui-ci établisse des éléments nouveaux ou complémentaires établissant la persistance du risque.

S’agissant des visites et saisies : 1 censure. 

A la différence du régime qu’il a défini pour les données et les supports informatiques, le législateur n’a fixé aucune règle encadrant l’exploitation, la conservation et la restitution des documents et objets saisis au cours de la visite. Ces dispositions  méconnaissent donc le droit de propriété. 

Voir décisions du Conseil Constitutionnel : Du 16 février 2018 et du  29 mars 2018

Lien vers le communiqué de presse

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