La LDH soutient “Les Algues Vertes”, un film de Pierre Jolivet

Sortie le 12 juillet 2023

Inspiré de l’enquête menée par Inès Léraud et dessinée par Pierre Van Hove dans Algues vertes, l’Histoire interdite (Delcourt, 2019), le film de Pierre Jolivet retrace le parcours semé d’embûches de la journaliste au cœur de l’industrie agroalimentaire bretonne, un « Etat dans l’Etat » où règnent la loi du silence et la fabrique de l’ignorance.

Depuis la fin des années 1980, une quarantaine d’animaux et trois hommes sont décédés sur des plages bretonnes dans des circonstances qui font l’objet d’un déni complet de la part des autorités. L’identité de l’assassin est pourtant connue, et révélée dès les premières minutes du film à Inès Léraud (Céline Sallette), par Pierre Philippe (Adrien Jolivet). C’est sur la plage de Saint-Michel-en-Grève recouverte d’algues vertes que ce médecin urgentiste et lanceur d’alerte désigne le coupable : l’hydrogène sulfuré, ou H2S, un gaz ultratoxique qui se forme lors de la décomposition des algues et reste coincé au sol, sous la matière en décomposition. Ces poches de gaz toxique qui se forment alors peuvent conduire à la mort, en quelques minutes seulement, des joggeurs, chevaux ou sangliers qui ont le malheur d’y poser le pied ou la patte, avant de s’effondrer dans la vase, paralysés par les puissantes émanations de gaz mortel.

Le film décrit comment la prolifération des algues vertes sur les côtes bretonnes prend ses racines dans les lois de modernisation agricole des années soixante. Le mot d’ordre de l’époque : faire de l’agriculture un champion économique national. Sur le marché agroalimentaire, la concurrence fait rage et le productivisme s’impose aux agriculteurs bretons. Pour le vice-président de la région, interprété dans le film par Jonathan Lambert, « c’est une guerre », et ne pas suivre les injonctions de l’industrie agroalimentaire, reviendrait à abandonner les agriculteurs. L’enjeu économique de l’élevage intensif est de taille (plus de 7 millions de porcs en Bretagne, soit plus de 2 fois la population humaine de la région ! rappelle le film) : les exportations de volailles au Moyen-Orient rapportent davantage d’argent à la France que les ventes d’armes, rappellent Inès Léraud et Pierre Jolivet.

Dans une séquence de confrontation avec un responsable régional de la FNSEA (interprété par Arnaud Stéphan), la toute puissante Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles réputée désigner le ministre de l’Agriculture, Inès Léraud exprime avec colère que la dépendance des agriculteurs à l’agrochimie, aux coopératives (dont le fonctionnement a été détourné des principes fondateurs) et aux banques, a mis à genoux beaucoup de petits exploitants et que le nombre de suicides ne cesse d’augmenter chez une population d’agriculteurs surendettés, tandis qu’est mise en danger la santé des populations.

Le film souligne le courage des témoins et journalistes qui lancent l’alerte, malgré les menaces de mort et intimidations subies. Les difficultés rencontrées par la production du film témoignent de l’omerta qui règne encore sur le sujet des algues vertes en Bretagne. Il a fallu souvent filmer à l’épaule, la mairie de Saint-Michel-en-Grève ayant refusé de délivrer une autorisation de tournage en empêchant ainsi de poser le moindre pied de caméra sur l’espace public.

Par ailleurs, le Conseil régional n’a pas facilité la production du film en ne versant pas pendant le tournage une subvention qui devait être automatique du fait qu’intégralement tourné dans la région, et en différant le versement après réalisation… Ce même Conseil régional de Bretagne a par ailleurs refusé d’organiser une avant-première du film. Avec une sortie programmée le 12 juillet, au début de la saison touristique estivale, les algues vertes feraient-elles (enfin) peur ?

Un film d’une grande qualité, montrant aussi la beauté de paysages et de solidarités en Bretagne, des évolutions du monde agricole, alliant analyses et émotions, en particulier en résonance avec la vie d’Inès, sa vie de couple (qui étaient absente du livre), le tout remarquablement interprété, en particulier par Céline Salette qui joue le rôle d’Inès Léraud avec autant de sensibilité et de précision par appropriation du sujet que, dans un autre registre, pour le film Corporate soutenu par la LDH en 2017.

 

Long-métrage de fiction, (1h50’), 2023, France

Réalisation : Pierre Jolivet

Écrit par Inès Léraud et Pierre Jolivet

Avec Céline Sallette. Nina Meurisse, Julie Ferrier, Adrien Jolivet, Jonathan Lambert, Pascuale d’Inca, Hervé Mahieux, etc.

Distribution : Haut et Court

VOIR LA BANDE-ANNONCE

 

Mots-clés : environnement, santé, agriculture, droits environnementaux, droits sociaux, bien commun, communs, liberté d’expression, lanceurs d’alerte, liberté de la presse, omerta, FNSEA, Bretagne

Share This
Soutenez les combats de la LDH

Les droits et les libertés ça n’a pas de prix, mais les défendre a un coût.