Suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS)

Lettre ouverte du Collectif Alerte dont la LDH est membre adressée à Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités

Madame la ministre,
Les 34 associations de solidarité du Collectif Alerte souhaiteraient vous exprimer leurs inquiétudes sur les conséquences de la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale.
Un certain nombre d’allocataires de l’ASS vont mécaniquement s’appauvrir suite à la suppression de cette allocation.
Une des premières conséquences est que nombre de personnes précaires ne valideront plus de trimestres de retraite. En effet, une fois l’ASS supprimée, ses bénéficiaires basculeraient sur le revenu de solidarité active (RSA). Si le montant du RSA est légèrement supérieur, cette allocation est par plusieurs aspects moins avantageuse :
• Les ressources prises en compte pour le calcul du RSA étant plus larges (prise en compte notamment des APL), certains bénéficiaires actuels de l’ASS pourraient ne pas y être éligibles, ce qui aurait des conséquences dévastatrices pour ces personnes, les plongeant probablement dans une précarité plus sévère.
• La loi mettant en place France Travail a soumis le RSA à quinze heures d’activité hebdomadaire. Cette obligation se verra donc appliquée pour les allocataires de l’ASS, alors que leurs perspectives d’un retour à l’emploi sont bien incertaines.
• L’ASS permettait de valider certains trimestres, le RSA ne permet pas de cotiser pour la retraite.
De ce fait, la suppression de l’ASS risque de pousser des personnes déjà fragiles vers une situation encore plus précaire, plus particulièrement :
• Les personnes en couple : un demandeur d’emploi en fin de droits dont le conjoint gagne le Smic n’aura pas droit au RSA car les ressources d’un couple au RSA ne doivent pas dépasser 911 €. Il va donc perdre mécaniquement 545 € et dépendre totalement de son conjoint.
• Les personnes en situation de handicap qui pouvaient cumuler de manière dérogatoire ASS et AAH jusqu’à fin 2026 : les allocataires de l’AAH qui avaient un droit ouvert en cours avant janvier 2017 pouvaient cumuler AAH et ASS jusqu’à fin 2026. Environ 15 000 personnes seraient concernées. Elles vont perdre leur ASS, soit 545 € et ne pourront pas cumuler AAH et RSA, ces deux allocations n’étant pas cumulables. Idem pour certains allocataires qui cumulaient ASS et Pension d’invalidité.
• La base ressources du RSA est beaucoup plus large que celle de l’ASS et prend en compte toutes les ressources du foyer et le plafond de ressources est beaucoup moins élevé (911 € pour un couple contre 1998 €).
Le Premier ministre a indiqué vouloir supprimer l’ASS, qu’il décrit comme une « trappe à inactivité ».
Cependant, avec cette suppression, les travailleurs en fin de carrière devront rester sur le marché du travail plus longtemps sans emploi ni retraite et attendre pour pouvoir partir à la retraite.
Rappelons qu’un allocataire de l’ASS sur deux est âgé de 50 ans ou plus. La suppression de l’ASS repousse leur départ à la retraite, puisque le RSA vers lequel ils basculeraient ne permet pas de cotiser.
La conséquence pour les personnes en fin de carrière sera qu’ils devront rester sans emploi ni retraite et plus pauvres plus longtemps.
Nous demandons une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes sur l’allocation spécifique de solidarité et le maintien des dérogations existantes jusqu’à l’échéance prévue lors de la réforme de 2017.
Nous vous prions de croire, Madame la ministre, en l’expression de notre haute considération.

Paris, le 4 mars 2024

Télécharger la lettre ouverte du Collectif Alerte en pdf.

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