Réforme de la Justice : les principes et garanties fondamentaux malmenés

Communiqué LDH

Alors même que la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle n’a été l’objet d’aucune évaluation, le gouvernement a initié une réforme de la justice qui, sous prétexte de rationalisation, de simplification et d’accélération des procédures, remet en cause les principes et garanties fondamentales nécessaires à l’existence d’une bonne justice dans une société démocratique.

C’est une véritable dévalorisation de la justice civile qui est initiée. Sous couvert d’une généralisation des modes amiables de règlement des litiges, le projet de loi officialise le recours à des services privés et payants en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage, proposés à l’aide d’un traitement algorithmique. A l’évitement du juge s’ajoute son éloignement vis-à-vis du justiciable. Le risque de rendre purement théorique le droit à un recours est ici favorisé par la suppression ou la réduction des compétences de juridictions de proximité ou le traitement d’affaires sans audiences.

C’est aussi une véritable atteinte aux droits et libertés des citoyens que propose ce projet de loi. La procédure pénale qui, aux termes de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, doit être « équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties », est l’objet d’une attaque généralisée. Les pouvoirs des officiers et agents de police judiciaire seraient considérablement renforcés au stade des enquêtes préliminaires et de flagrance, voire au cours de l’instruction. La police, sous l’autorité d’un parquet non indépendant et partie poursuivante, deviendrait de fait un organe instructeur et le pivot de la procédure pénale. Des moyens intrusifs (interception, enregistrement et transcription des correspondances émises par voie de communications électroniques, géolocalisation, sonorisation, IMSI-catcher, captation d’images et de données informatiques), réservés aujourd’hui à la lutte contre le terrorisme et à la criminalité organisée, se verraient étendus à tout crime et même à tout délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, soit à la quasi-totalité des délits. L’audience pénale, déjà malmenée par les comparutions immédiates, serait encore plus dénaturée avec l’institution d’une comparution immédiate « différée », la multiplication du recours aux ordonnances pénales, l’extension des pouvoirs du procureur de la République en matière de composition pénale, où il est juge et partie, une collégialité réduite avec l’extension des audiences à juge unique et une oralité des débats altérée avec l’instauration d’un tribunal criminel départemental sans jury populaire, contournant et marginalisant la cour d’assises.

Enfin, s’agissant des peines, le projet n’en interroge pas le sens et ne contient pas les mesures propres à mettre fin à la suroccupation pénitentiaire qui porte atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine. Au contraire, lorsqu’il envisage de supprimer tout aménagement pour les peines d’emprisonnement sans sursis d’une durée supérieure à un an (au lieu de deux, actuellement), il porte en lui les ferments d’une surpopulation pénale aggravée.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) alerte les citoyennes et citoyens face à un projet d’une gravité extrême. Elle alerte le gouvernement sur les dangers que ce projet constitue pour les principes fondamentaux d’un procès équitable devant une juridiction impartiale. Elle lui demande de jouer son rôle en veillant à l’effectivité du droit à un recours juridictionnel pour tout justiciable, en s’attaquant aux causes de la surpopulation pénale, en donnant enfin à la justice les moyens qui lui sont nécessaires.

Paris, le 23 octobre 2018

 

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