Mayotte : le retrait des titres de séjour au mépris des droits fondamentaux

Le 3 février 2023, le préfet de Mayotte prenait une série d’arrêtés portant retrait de titres de séjour, délivrés principalement sur le fondement du droit au respect de la vie privée et familiale. Le préfet motivait ses arrêtés sur le fait que les intéressés avaient obtenu leur titre de séjour de façon frauduleuse, en produisant une fausse attestation d’hébergement pour laquelle un tiers avait été condamné et, qu’ainsi, ils devaient être regardés comme n’ayant jamais rempli les conditions permettant la délivrance du titre dont ils avaient bénéficié. Le préfet a assorti toutes ses décisions de retrait d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Outre l’absence de fraude caractérisée, le préfet s’est abstenu de tout examen de proportionnalité au regard de l’atteinte portée au droit à la vie privée et familiale des personnes concernées. Dès lors, plusieurs recours ont été intentés contre ces décisions auprès du tribunal administratif de Mayotte.

Dans ce cadre, la Défenseure des droits a présenté ses observations devant la juridiction saisie (DDD, n°2024-185, 27 novembre 2024).

Elle rappelle ainsi, d’une part, que les conditions en matière d’hébergement, telles que prévues par le préfet – à savoir la résidence effective chez l’hébergeur et la résidence dans un logement digne, stable et décent – ne sont en réalité ni prévues par la loi, ni par le règlement. En outre, elle souligne que l’obligation qu’a le préfet de vérifier sa compétence territoriale, avant de procéder à l’examen au fond d’une demande de titre de séjour, n’implique pas que l’étranger sollicitant un titre de séjour justifie d’une résidence stable ou d’un domicile propre. Il convient, à cet égard, de préciser qu’à Mayotte de nombreuses personnes sont susceptibles de se heurter à des difficultés pour produire un justificatif de domicile conforme aux dispositions réglementaires du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) dès lors que près de 40% de la population vit dans une construction fragile ou occupe un habitat informel. Ensuite, la Défenseure des droits relève qu’au regard des exigences en matière d’hébergement, en réalité non prévues par les textes, la fraude au soutien de laquelle le préfet a procédé aux retrait des titres de séjour ne peut être regardée comme caractérisée. Enfin, elle observe que de telles décisions seraient de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Nonobstant ces observations, le 28 novembre 2024, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté dans quatre affaires similaires les requêtes en annulation. Un appel a été interjeté pour chacune d’entre elles et le Gisti ainsi que la LDH ont décidé, eu égard à l’atteinte manifestement excessive au droit au respect de la vie privée et familiale et à l’intérêt supérieur des enfants, d’intervenir volontairement au soutien des quatre requêtes en appel déposées devant la cour d’appel administrative de Bordeaux, le 4 avril 2025.

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