Les frontières (numériques) de l’Europe doivent tomber : mettre fin à l’expansion de la base de données EURODAC de l’UE

Communiqué commun dont la LDH est signataire

La société civile demande qu’il soit mis fin à l’expansion d’EURODAC, la base de données de l’UE pour l’enregistrement des demandeurs d’asile. Conçue pour collecter et stocker les données des migrants, EURODAC est en train de se transformer en un outil de surveillance étendu et violent qui traitera les personnes en quête de protection comme des suspects de crime, y compris des enfants de six ans dont les empreintes digitales et les images faciales seront intégrées dans la base de données.

 EURODAC est en voie d’expansion afin d’appliquer les politiques d’asile et d’immigration discriminatoires et hostiles de l’UE : augmentation des reconduites à la frontière, de la détention et d’un climat plus large de criminalisation racialisée.

L’expansion sans fin d’EURODAC doit être stoppée.

Qu’est-ce qu’EURODAC ?

Depuis sa création en 2003, l’UE n’a cessé d’étendre la portée, la taille et la fonction d’EURODAC.

Créée pour mettre en œuvre le système de Dublin et enregistrer le pays responsable du traitement des demandes d’asile, cette base de données ne contenait à l’origine que des informations limitées, essentiellement des empreintes digitales, sur quelques catégories de personnes : les demandeurs d’asile et les personnes appréhendées lors du franchissement irrégulier des frontières de l’Union européenne. Dès le départ, ce système a été un moyen d’appliquer un régime d’expulsion discriminatoire et préjudiciable, fondé sur un cadre de référence erroné de l'”illégalité” de la migration.

Après une première réforme en 2013 permettant à la police d’accéder à la base de données, l’UE continue de séparer EURODAC de son programme en matière d’asile pour le présenter comme un système poursuivant des “objectifs plus larges en matière d’immigration”. Ces changements ont été annoncés en 2020 dans le Pacte européen sur les migrations, le soi-disant “nouveau départ” de l’UE en matière d’immigration. Plutôt qu’un nouveau départ, les propositions sont les plus dures de l’histoire de la politique migratoire de l’UE : plus de détention, plus de violence, et un outil de surveillance plus large et plus évolué dans la base de données EURODAC pour suivre, repousser et expulser les migrants “en situation irrégulière”.

En quoi l’expansion d’EURODAC met-elle en danger les droits de l’homme ?

Davantage de personnes sont incluses dans la base de données : Concrètement, EURODAC collecterait un grand nombre de données personnelles (photographies, copies de documents de voyage et d’identité, etc.) sur un éventail plus large de personnes : celles qui sont réinstallées, relocalisées, débarquées à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage et arrêtées aux frontières ou à l’intérieur des territoires nationaux.

Collecte de données sur les enfants

La réforme prévoit également d’abaisser le seuil de collecte des données dans le système à l’âge de six ans, d’allonger les périodes de conservation des données et d’assouplir les conditions de consultation de la base de données par les forces de l’ordre.

Intégration des images faciales dans la base de données

La réforme propose également d’inclure les images faciales dans la base de données. Les comparaisons et les recherches effectuées dans la base de données peuvent être basées sur la reconnaissance faciale – une technologie notoirement sujette aux erreurs et peu fiable qui menace l’essence même de la dignité, de la non-discrimination et du droit à la vie privée.

La base de données fonctionne comme un véritable outil de violences puisqu’elle autorise le recours à la coercition à l’encontre des demandeurs d’asile qui refusent de communiquer leurs données, comme la détention et la collecte forcée. Non seulement ces changements contredisent les normes européennes en matière de protection des données, mais ils démontrent également que le racisme institutionnel de l’UE crée des normes différentes entre les migrants et les non-migrants.

Accès aux données par les forces de l’ordre. La refonte d’EURODAC facilitera également sa connexion à d’autres bases de données européennes existantes sur les migrations et celles de la police, dans le cadre de l’initiative dite d'”interopérabilité” (création d’un système d’information européen global destiné à renforcer les contrôles d’identité de la police à l’égard des ressortissants de pays tiers), ce qui entraînera une augmentation du profilage racial.  Ces mesures assimilent injustement les demandeurs d’asile à des criminels. Enfin, la production de statistiques à partir des données d’EURODAC et d’autres bases de données est censée éclairer l’élaboration des futures politiques sur les tendances des mouvements migratoires. En réalité, on s’attend à ce qu’elles facilitent les refoulements illégaux et le contrôle excessif de l’aide humanitaire.

Mettre fin à l’expansion d’EURODAC

La réforme d’EURODAC est une violation flagrante du droit de demander une protection internationale, un amalgame effrayant entre migration et criminalité et un instrument de surveillance incontrôlable. L’extrême droite anticipe déjà la prochaine étape, en demandant la collecte d’ADN.

La réforme d’EURODAC est l’un des nombreux exemples de la numérisation de la forteresse Europe. Elle est incompatible avec les droits fondamentaux et sapera les cadres de protection et les droits des personnes en déplacement.

Nous demandons

1) Que les institutions européennes rejettent immédiatement l’expansion d’EURODAC.

2) Que les législateurs empêchent de nouvelles violences et garantissent la protection aux frontières et à l’intérieur de celles-ci lorsqu’ils repenseront le système EURODAC.

3) Que les législateurs et les États membres de l’UE établissent des voies d’accès sûres et régulières pour les migrants et des conditions d’accueil protectrices.

Signataires : 1. AG Nachhaltige Digitalisierung ; 2. Abolish Frontex ; 3. Access Now ; 4. Africa Solidarity Centre Ireland ; 5. AlgoRace/University of Córdoba ; 6. AlgorithmWatch ; 7. Àltera ; 8. Asociación Por Ti Mujer ; 9. Asociación Rumiñahui ; 10. Association for Legal Intervention (Stowarzyszenie Interwencji Prawnej) ; 11. AsyLex ; 12. Bits of Freedom ; 13. Blindspots ; 14. Bürgerrechte & Polizei/CILIP ; 15. CNCD-11.11.11 ; 16. CNVOS Slovenia ; 17. Center for AI and Digital Policy (CAIDP) ; 18. Center for Information Technology and Development ; 19. Centre for Muslims’ Rights in Denmark – CEDA ; 20. Centre for Peace Studies ; 21. Chaos Computer Club ; 22. Civil Liberties Union for Europe ; 23. Coalizione Italiana per le Libertà e i Diritti civili (CILD) ; 24. D64 ; 25. Danes je nov dan, Inštitut za druga vprašanja ; 26. Derechos Digitales ; 27. Digitalcourage ; 28. Digitale Gesellschaft ; 29. Društvo Parada ponosa (Ljubljana Pride Association) ; 30. European Anti-Poverty Network (EAPN) ; 31. Equinox Initiative for Racial Justice ; 32. Equipo Decenio Afrodescendiente- España ; 33. epicenter.works ; 34. EuroMed Rights ; 35. European Civic Forum ; 36. European Digital Rights (EDRi) ; 37. European Movement Italy ; 38. European Network Against Racism (ENAR) ; 39. European Sex Workers Rights Alliance (ESWA) ; 40. Forum InformatikerInnen für Frieden und gesellschaftliche Verantwortung (FIfF) ; 41. Fundación CIVES ; 42. Fundacja Centrum Badań Migracyjnych ; 43. Greek Council for Refugees (GCR) ; 44. Greek Forum of Migrants ; 45. Greek Forum of Refugees ; 46. Helsinki Foundation for Human Rights ; 47. Hermes Center for Transparency and Digital Human Rights ; 48. Homo Digitalis ; 49. Homo Faber Association ; 50. I Have Rights ; 51. IDAY Liberia Coalition Inc. ; 52. Infokolpa ; 53. info.nodes ; 54. Initiative Center to Support Social Action “Ednannia” ; 55. Institucion De Asuntos Culturales De España ; 56. Institute Circle ; 57. International Rehabilitation Council for Torture Victims ; 58. International Women* Space ; 59. Irídia – Centre per la defensa dels drets humans ; 60. IT-Pol Denmark ; 61. Ivorian Community of Greece ; 62. KD Gmajna ; 63. KOK German NGO Network against trafficking in Human Beings ; 64. Kif Kif vzw ; 65. LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; 66. La Strada International ; 67. Lafede.cat – Organitzacions per a la Justícia Global ; 68. Legal Centre Lesvos ; 69. Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme ; 70. Ligue des droits humains (Belgium) ; 71. Maison du Peuple d’Europe ; 72. Mobile Info Team ; 73. Naga ; 74. National Federation of Polish NGOs (OFOP) ; 75. netzbegrünung – Verein für Grüne Netzkultur e.V. ; 76. New Europeans International ; 77. Northern Lights Aid ; 78. Novact ; 79. Open Knowledge Foundation Germany ; 80. PIC – Legal Center for the Protection of Human Rights and the Environment ; 81. Peace Institute ; 82. Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (PICUM) ; 83. Polish Migration Forum Foundation (Fundacja Polskie Forum Migracyjne) ; 84. Polish Women’s Strike ; 85. Politiscope ; 86. Privacy International ; 87. Privacy Network ; 88. Prostitution Information Center ; 89. Quaker Council for European Affairs ; 90. Queen Mary University of London ; 91. RED AMINVI ; 92. Racism and Technology Center ; 93. Red Umbrella Sweden ; 94. Refugee Law Lab, York University ; 95. Refugee Legal Support (RLS) ; 96. Revibra Europe ; 97. SOLIDAR & SOLIDAR Foundation ; 98. Samos Volunteers ; 99. Sans-Papiers Anlaufstelle Zürich SPAZ ; 100. Sea-Watch e.V. ; 101. Siempre vzw/asbl ; 102. Statewatch ; 103. Stichting LOS ; 104. Stop Wapenhandel ; 105. Stowarzyszenie Port, Przestrzeń otwarta ; 106. Taraaz ; 107. The Border Violence Monitoring Network ; 108. Waterford Integration Services ; 109. Yoga and Sport with Refugees ; 110. Zavod za kulturo raznolikosti Open.

Paris, le 4 décembre 2023

Lire le communiqué “La société civile demande qu’il soit mis fin à l’expansion de la base de données EURODAC de l’UE” en format PDF

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