L’article 30-3 du code civil dispose que « Lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français. Le tribunal devra dans ce cas constater la perte de la nationalité française ».
Cette disposition institue ainsi la perte de la nationalité française par désuétude, soumise à la réunion de deux conditions cumulatives pour qu’elle puisse être judiciairement constatée ou pour que cette perte puisse être opposée dans le cadre d’actions déclaratoires de nationalité ou de demande de certificat de nationalité française.
Par quatre décisions rendues le 15 janvier 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation renvoie quatre QPC – identiques – au Conseil constitutionnel dans les termes suivants :
« L’article 30-3 du Code civil, tel qu’interprété par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, est-il contraire au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la perte de la qualité de Français par désuétude ne peut être constatée que par un jugement, en ce qu’il instaure une présomption irréfragable de perte de la nationalité française à l’expiration du délai cinquantenaire d’expatriation de l’ascendant, en l’absence de possession d’état de l’intéressé et de son ascendant durant ce délai ? » (nos C 24-13.921, D 24-13.922, E 24-13.923 et F 24-13.924).
La LDH et le Gisti ont décidé d’intervenir volontairement au soutien de ces QPC en fondant leurs observations sur le fait que cette disposition législative contestée méconnaît, outre le principe fondamental reconnu par les lois de la République, le droit au recours juridictionnel effectif, le droit à la preuve et le principe de sécurité juridique.
Par une décision du 11 avril 2025, le Conseil constitutionnel a rejeté cette QPC et a successivement :
- refusé de reconnaître le principe fondamental invoqué par les requérants, selon lequel la perte de la qualité de Français par désuétude ne peut être constatée que par un jugement ;
- écarté les griefs que nous avions soulevés, tirés de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789, en retenant essentiellement :
- qu’« en mettant fin à cette transmission [de la nationalité] lorsque la nationalité est dépourvue de toute effectivité, [le législateur] a poursuivi un but d’intérêt général» ;
- que les dispositions contestées de l’article 30-3 « poursuivent l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice» ;
- que « les dispositions contestées ne permettent pas au juge de constater la perte de la nationalité française de l’intéressé dans le cas où, au regard des éléments dont il dispose sur la situation personnelle de ce dernier, sa décision aurait pour résultat de le rendre apatride» ;
- qu’« il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que les dispositions contestées ne peuvent être opposées à des enfants mineurs au jour de l’introduction de l’action déclaratoire si elles ne l’ont pas préalablement été à leur ascendant» ;
- que les dispositions de l’article 21-14 du Code civil permettent de « réclamer la nationalité française par déclaration, en se prévalant notamment des liens manifestes d’ordre culturel, professionnel, économique ou familial […] conservés ou acquis avec la France» .