4e consultation pour l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’Homme

Appel aux Etats membres de l’Union européenne et à l’Union européenne, dont la LDH est signataire

 

4e consultation organisée par l’Équateur le 11 juillet 2018 en amont des négociations d’octobre 2018 pour l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’Homme

Le 26 juin 2014, le Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unies a établi par la résolution 26/9 un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’Homme afin « d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l’Homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises ».

Cette résolution revêt une importance cruciale afin de combler une faille majeure dans le système international. En effet, tandis que les entreprises dont les activités opérationnelles ont un caractère transnational sont impliquées dans des crimes et violations des droits humains, celles-ci échappent généralement aux poursuites judiciaires en raison de la complexité de leur structure juridique et de  l’absence de mécanismes judiciaires efficaces. Il est donc urgent d’assurer l’accès à la justice pour les victimes en tenant ces entreprises responsables de leurs actes et de leur inaction à prévenir et réparer les violations aux droits humains et à l’environnement tout au long de leur chaîne de valeur.

Or, force est de constater que depuis la création de ce groupe de travail intergouvernemental, et en dépit de leurs déclarations en faveur des droits humains, les États membres de l’Union européenne et l’Union européenne ont failli à soutenir ce processus de négociation historique.

Les États membres de l’Union européenne ont ainsi voté contre la mise en place de ce groupe de travail intergouvernemental en 2014 ; ont boycotté certaines sessions de travail et consultations ; et ont multiplié les interventions remettant en cause le mandat de ce groupe de travail et la légitimité de la présidence équatorienne.

  • Le 2 novembre 2017, par exemple, lors des discussions budgétaires autour du programme de l’année 2018-2019, l’Union européenne a remis en cause la tenue de la 4e session de travail prévue pour Octobre 2018, malgré la clarté de la résolution 26/9.
  • Plus récemment, le 14 juin 2018, les États membres de l’Union européenne se sont exprimés d’une seule voix, par le biais du représentant de l’Union européenne, pour demander « à revenir au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies pour définir l’orientation future des négociations », pour remettre en cause le caractère contraignant de cet instrument international, pour s’interroger sur la légitimité de la présidence équatorienne, et pour opposer ce traité aux Principes directeurs des Nations Unies de 2011, alors que ces Principes envisagent eux-mêmes l’adoption de normes contraignantes au niveau national et international pour leur bonne application. Lors de récentes discussions bilatérales, l’Union européenne et certains de ses États membres ont également remis en cause la présence des organisations de la société civile dans les négociations.

Les 36 organisations de cet appel invitent les États membres de l’Union européenne et l’Union européenne à mettre fin à ces stratégies d’obstruction, à reconnaître le mandat de ce groupe de travail intergouvernemental et la présence essentielle des organisations de la société civile dans le processus, et à participer de manière active et constructive à l’élaboration d’un traité international juridiquement contraignant  sur les sociétés dont les activités opérationnelles ont un caractère transnational, comme le spécifie clairement la résolution 26/9.

Les trois précédentes sessions de négociations et les quatre consultations menées par l’Équateur durant le printemps 2018 en vue de la publication d’une première version dudit traité ont permis de faire émerger un consensus large autour de certains éléments.

Ce traité juridiquement contraignant doit :

  1. Concerner, quel que soient leur objet social et leur mode de création, de contrôle ou de propriété, les entreprises dont l’activité opérationnelle est dotée d’un caractère transnational.
  2. Garantir la primauté des droits humains et de l’environnement sur les normes en matière de commerce et d’investissement.
  3. Rendre les entreprises et leurs dirigeants responsables (en droit civil, pénal, environnemental, administratif) du respect des droits humains et de la prévention des abus et violations résultant directement ou indirectement de leurs activités, et ce tout au long de leur chaîne de valeur (que ce soient leurs branches, filiales, sous-traitants, fournisseurs, affiliés, co-contractants, financeurs, etc.).
  4. Introduire une obligation de vigilance, ou un mécanisme similaire de « duty of care », afin de pouvoir engager la responsabilité légale des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre dans la prévention des abus et crimes contre les droits humains.
  5. Reconnaître, au choix de la victime, et selon le principe 25 des Principes de Maastricht, la compétence judiciaire de la juridiction où le dommage a lieu ; de la juridiction où la société donneuse d’ordre est immatriculée ou domiciliée ; d’une juridiction tierce où l’entité y exerce l’essentiel ou une part substantielle de ses activités ; et de toute autre juridiction qui se saisirait du cas au titre de la compétence universelle lorsqu’une telle violation contrevient à une norme impérative du droit international.
  6. Établir un mécanisme international ou une cour internationale afin d’éviter les dénis de justice, de faciliter la coopération judiciaire entre États, et d’aider les victimes à saisir les juridictions nationales ou internationales adéquates.

 

Ces points ont été largement évoqués lors des consultations informelles organisées par la présidence du groupe de travail au cours des derniers mois. Ils font l’objet d’un consensus large au sein des mouvements sociaux et des ONG qui se sont engagées dans les débats de fond.

Nos partenaires à travers le monde, les victimes de violations, et les défenseurs des droits humains sont unanimes sur la nécessité d’un tel traité et l’urgence de son adoption. Les États membres de l’Union européenne et l’Union européenne ne peuvent ignorer cela.

Nous appelons donc les États membres de l’Union européenne à se saisir de ces éléments et à étudier la première version de traité qui sera publiée par l’Équateur en conséquence, dans une attitude constructive, au-delà des débats stériles visant à attaquer la légitimité de ce processus historique.

 

Signataires :

11.11.11, Belgium Belgium
Action Solidarité Tiers Monde Luxembourg
ActionAid France France
Afrika Kontakt Denmark
AIETI Spain
Associazione Jambo Italy
Atelier ONGD Spain
CCFD-Terre Solidaire France
CCOO de Madrid Spain
Colectivo Ansur Latin America
Collectif Ethique sur l’étiquette France
Commission Justice et Paix Belgium
Confederación Sindical de CC.OO. Spain
Coordinadora Estatal De Comercio Justo Spain
ECOAR))) GLOBAL Canada, Spain and France
Emmaus Aurinkotehdas ry Finland
Fundación Mundubat Spain
Greenpeace España Spain
Grupo de trabajo sobre empresas y derechos humanos – Catalunya de Lafede.cat y la Taula Colombia Spain
Iniciativas de Cooperación Internacional para el Desarrollo (ICID) Spain
International Office for Human Rights – Action Colombia (OIDHACO) Europe
JASS – Just Associates Central America, Southern Africa, and Southeast Asia
KAESCH – Netzwerk für Nachbarschaftshilfe Austria
Ligue des droits de l’Homme France
Maan ystävät ry – Friends of the Earth Finland Finland
NeSoVe / Netzwerk Soziale Verantwortung Austria
New Wind Association Finland
Red Flamenca de Solidaridad con la Comunidad de Paz de San José de Apartadó Belgium
Ritimo France
SETEM Catalunya Spain
Südwind Austria
Taula Catalana per la Pau i els Drets Humans a Colòmbia Spain
ToxicsWatch Alliance (TWA) – Ban Asbestos Network of India (BANI) India
Tansform!at Austria
Unión Sindical Obrera (USO) Spain
Union syndicale Solidaires France
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