Bulletin « Les droits de l’Homme en Chine » n°135 – novembre 2020

Une décision écœurante aux Nations unies. La Chine pousse les murs.

Il s’est passé ce 13 octobre quelque chose qui soulève le cœur. Le plus puissant, le plus peuplé et le mieux organisé des régimes répresseurs est à nouveau entré au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, organisme dont la mission officielle est de « renforcer la promotion et la protection des droits de l’Homme autour du globe ». Beijing a sauté sur l’occasion pour déclarer avec culot : la décision reflète « la haute reconnaissance par la communauté internationale du développement et du progrès de la cause des droits de l’Homme en Chine ».

On peut donc candidater avec succès pour le Conseil avec un dossier complet d’incompétences. Peu importent la censure des écrits et de l’Internet, la répression des dissidents, les disparitions forcées, les prisons clandestines, l’appareil judiciaire aux ordres, le choix des avocats par le pouvoir à la place des familles, le silence sur les camps de détention et le nombre des exécutions, la violation des promesses d’autonomie faites à des minorités qui occupent la moitié du territoire national, la rupture des engagements pour un demi-siècle pris à Hongkong, l’intention affichée de mettre la main sur Taiwan, y compris par la guerre.

Il faut partout faire place à la Chine, parce qu’elle est grande, qu’elle dispose d’une clientèle de pays et qu’elle se met en colère et menace dès qu’on refuse de l’encenser pour les réussites qu’elle affiche. Mais ces arguments ne valent rien au regard de la morale politique et ne font qu’abaisser la dignité et la crédibilité des institutions internationales. Les critiques limitées à tel ou tel détail autorisent l’acceptation globale d’un système totalitaire et permettent les utiles compromissions économiques et diplomatiques.
Aux côtés notamment du Pakistan et de la Russie, la Chine a maintenant autorité pour trois ans sur l’Examen périodique universel par lequel l’O.N.U. est censée vérifier le respect de ses valeurs par les pays membres. Beijing – qui s’absout de toutes fautes – fera de même pour les Etats qui le soutiennent parce qu’ils obtiennent ses aides. Les ambiguïtés et hypocrisies qui avaient ruiné la réputation de la Commission des droits de l’Homme (comme notamment l’octroi de sa présidence à la Libye en 2003) et avaient justifié son remplacement en 2006 par un Conseil des droits de l’Homme, ne semblent pas avoir disparu. La cruelle remarque du rapport de 2005 qui justifiait la suppression de la Commission reste assez largement valable : « Des Etats ont cherché à se faire élire à la Commission non pour défendre les droits de l’Homme mais pour se soustraire aux critiques ».

L’amertume provoquée par la décision d’octobre ne découle pas seulement des violations de droit que la République populaire a commises au fil des décennies. Elle s’amplifie aujourd’hui avec les efforts déployés en toutes directions par un régime conscient de sa force, plein d’assurance et qui pousse les murs pour imposer sa présence. Il suffit d’observer ses initiatives des derniers mois pour s’en convaincre.

Il est loin le temps où, pour rallier les intellectuels et gagner les sympathies extérieures, le mouvement communiste chinois s’affirmait favorable à la discussion ouverte, aux élections libres et à l’idée d’une pluralité d’organisations politiques rivales. C’était en 1945, avant la prise du pouvoir. Il n’en est plus question ; les dates à fêter sont, en 2021, le centenaire du parti qui tient solidement le pouvoir et n’entend pas le lâcher ; et en 2049, le centenaire d’une république dite populaire qui aura battu le record de tenir un siècle sans consulter son peuple par des élections, – et qui s’imagine pouvoir faire mieux encore.

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