Lutte contre la pauvreté : Lettre au Premier ministre

Lettre du collectif “Alerte”, dont la LDH est membre.

Les associations nationales de lutte contre la pauvreté regroupées dans le collectif ALERTE, animé par l’Uniopss, saluent la Conférence nationale qui s’est tenue les 10 et 11 décembre 2012 et que vous avez conclue. Comme ALERTE l’avait espéré pendant la campagne électorale, cette Conférence a permis d’inscrire la lutte contre la précarité, la pauvreté et
l’exclusion à l’agenda de la vie politique de notre pays au plus haut niveau. Nous nous en réjouissons. Le « changement de regard » sur la pauvreté que vous avez voulu instaurer est pour nous essentiel : le temps du discours qui assimile l’assistance à l’assistanat est révolu. Il
y a là une évolution majeure du discours politique dont nous vous remercions sincèrement. Il est essentiel maintenant de faire partager cette vision à tous nos concitoyens. La forte interministérialité
que vous avez voulu donner à cette conférence est à cet égard une avancée très intéressante ; au surplus elle répond à la nécessité de prendre en compte globalement la diversité des dimensions de la pauvreté.

Les mesures que vous avez annoncées marquent une première étape positive, même si plusieurs d’entre elles ne vont pas aussi loin que nous l’avions souhaité (RSA, hébergement, logement, petite enfance, seuil de la CMUC…). Elles donnent néanmoins le sentiment d’une volonté de changement. Nous notons en particulier avec intérêt la reconnaissance de la nécessité de promouvoir davantage un accompagnement global des personnes. Il est, en effet, nécessaire de créer un droit à l’accompagnement et de l’organiser de façon globale et coordonnée. Nous saluons aussi l’annonce de groupes de travail sur la lutte contre l’isolement des personnes âgées et souhaitons que cette démarche « Monalisa » soit inscrite dans le plan. Nous sommes également heureux des mesures annoncées sur la question délicate de la lutte contre l’endettement.

Si ces mesures d’urgence étaient nécessaires, la prise en compte des aspects structurels de la pauvreté et de l’exclusion nous a paru pourtant faire singulièrement défaut. Le traitement des questions de lutte contre la pauvreté et l’exclusion demande aussi une visée de moyen-long terme et, par conséquent, la mise en place de mesures structurelles. Nous citerons à cet égard trois exemples particulièrement significatifs : sur la petite enfance pauvre, pour laquelle il est si important de mener des politiques d’investissements préventifs, nous continuons de manquer de perspectives; sur l’hébergement et le logement, les mesures prévues semblent s’être arrêtées à 2013, et encore sont-elles contredites par des dispositions inquiétantes de la loi de finances pour 2013 qui prévoient une baisse de 30% de la subvention accordée par logement PLAI, dont les personnes défavorisées ont pourtant le plus grand et urgent besoin.
Sur les jeunes enfin, la « garantie jeunes » que vous avez annoncée, pour 100 000 bénéficiaires par an à terme, si elle est intéressante, reste très en deçà des besoins en volume et en ambition. Il est particulièrement alarmant de constater que le quart de la population
accueillie en centres d’hébergement sont des jeunes de 18 à 25 ans. Les associations, vous le savez, demandent l’élargissement du RSA jeunes à tous les jeunes de 18 à 25 ans sans ressources engagés dans un parcours d’insertion et la création d’un droit à la formation tout au
long de la vie.

Enfin, nous regrettons que des catégories de populations particulièrement exclues n’aient pas bénéficié d’annonces de votre part, en particulier les personnes handicapées, les migrants et les sortants de prison. De même, nous avons été étonnés de l’absence de mention et de propositions concernant ceux qui œuvrent sur le terrain, avec des difficultés croissantes, dans cette bataille contre la pauvreté et l’exclusion, les associations de solidarité.

Nous souhaitons, bien sûr, que ces réflexions puissent être prises en compte par le Comité Interministériel du 21 janvier qui devra décider du plan annoncé par le Président de la République. Nous pensons qu’il serait très souhaitable qu’il trouve sa traduction dans une loi de programmation pluriannuelle. Un tel texte, succédant à la grande loi de 1998 sur les
exclusions, outre sa portée politique, conforterait l’action publique par sa globalité et son approche interministérielle telles que l’a très heureusement illustré la Conférence. Elle permettrait par ailleurs, d’inscrire la volonté du Gouvernement dans la durée et, notamment, d’inclure les mesures à caractère structurel dont nous ressentons la nécessité.

Ce projet de loi serait soumis pour avis au Conseil National des politiques de Lutte contre l’Exclusion (CNLE) avant son adoption par le Conseil des Ministres. A cet égard, nous attachons une grande importance au suivi et à l’évaluation du plan. Là encore le CNLE, qui comporte, outre les associations et administrations, des élus, des personnes qualifiées, les
partenaires sociaux et des personnes en situation de pauvreté, devrait à nos yeux se voir confier logiquement cette tâche. Le Gouvernement devrait s’engager à soumettre chaque année au débat du Parlement un rapport d’exécution sur lequel il aura préalablement recueilli l’avis du CNLE.

Nous insistons, par ailleurs, sur l’importance d’une mobilisation forte par vos soins des Préfets ; trop souvent en effet les mesures nationales ne trouvent que très partiellement leur application sur le terrain et la lutte contre la pauvreté ne semble pas être, aujourd’hui, une véritable priorité de l’administration déconcentrée.

Enfin, si la Conférence a été riche, elle n’a pas permis, faute de temps, d’aller au fond de tous les sujets. Nous souhaitons donc que le CILE décide l’ouverture et le calendrier de plusieurs chantiers de travail, notamment sur les « oubliés » de la conférence : personnes handicapées, dont notamment celles en souffrance psychique, migrants, sortants de prison ; personnes âgées dont la pauvreté monétaire s’est aggravée ; gens du voyage ; sur les jeunes ; sur la petite enfance ; sur l’articulation entre RSA, prime pour l’emploi et allocation de solidarité spécifique ; sur l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle ; sur le développement de l’insertion par l’activité économique.

Voilà, Monsieur le Premier Ministre, les principaux messages que nous tenions à vous transmettre en vue du CILE.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de notre haute considération.

Liste des associations signataires :
Amicale du Nid, Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels (ACEPP), Association des paralysés de France (APF), Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), Association service social familial migrants (ASSFAM), La Cimade, Comité chrétien de solidarité avec les chômeurs et précaires (CCSC), Comité national de liaison des associations du réseau d’accompagnement des migrants (Clara), Coorace, Croix Rouge française, Droits d’urgence, Emmaüs France, Familles rurales fédération nationale, Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement (Fapil), Fédération des Pact, Fédération entraide protestante, Fédération habitat et humanisme, Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et Gens du voyage (Fnasat-Gens du voyage), Fédération Vacances et Familles, Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Fondation Armée du Salut, Fonds social juif unifié (FSJU), France Terre d’Asile, Les petits frères des Pauvres, Ligue des droits de l’Homme, Médecins du monde, Mouvement ATD Quart Monde, Secours catholique, Société de Saint-Vincent-de-Paul, Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), Union nationale ADMR
Union nationale des associations familiales (UNAF), Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapés psychiques (UNAFAM), Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ), Union professionnelle du logement accompagné (Unafo), Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS).

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