Lettre conjointe aux présidents mexicain et français à l’occasion de leur rencontre

Lettre conjointe adressée aux présidents mexicain et français, à l’occasion de leur rencontre les 10 et 11 avril 2014, par la LDH, la FIDH, la Commission Mexicaine pour la défense et la promotion des droits de l’Homme – AC, et le Mouvement pour la paix avec justice et dignitéM. François Hollande

Président de la République française

M. Enrique Peña Nieto

Président des États-Unis du Mexique

Messieurs les Présidents,

Le Mexique et la France en plus d’avoir des liens historiques, sont leaders dans la promotion internationale du respect des droits humains, raison pour laquelle nous saluons la rencontre qui aura lieu cette semaine dans la ville de Mexico dans le but de promouvoir une meilleure coopération dans des secteurs prioritaires tels que la sécurité publique, l’éducation, l’énergie et l’économie.

Chaque année au Conseil des droits de l’Homme, la France appuie des résolutions sur l’interdiction des disparitions forcées et de la détention arbitraire. Récemment, elle a proposé des recommandations précises dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), pour que le Mexique prévienne et punisse effectivement la pratique de la torture, l’impunité et pour que les conditions de détention dans les prisons soient améliorées.

Le Mexique de son coté, promeut entre autres les résolutions sur les droits des migrants, des peuples indigènes, et des personnes handicapées, et sur la promotion et la protection des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Néanmoins, leur agenda de travail pour cette rencontre ne reflète pas l’intention d’aborder des sujets d’une grande importance pour les habitants de ces deux nations, en particulier la protection des droits humains. Le Mexique fait face à des défis majeurs en termes de droits humains, en particulier depuis le début de la « guerre contre le trafic de drogue» en Décembre 2006. Selon le président de la Commission Nationale des Droits Humains, depuis cette date, les plaintes concernant des allégations de torture ont augmentées de 500 %. Plus de 26,000 cas de disparitions ont été recensés, selon les chiffres du Sous-Secrétariat des Droits Humains du Secrétariat du Gouvernement; plus de 8,000 personnes ont été détenus arbitrairement, selon les chiffres du bureau du Procureur Général, et plus de 70.000 personnes ont exécuté arbitrairement selon les données du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Exécutions Extrajudiciaires, après sa visite au Mexique en 2012. Bien que le discours sur la sécurité a changé depuis que le président Peña Nieto a pris ses fonctions en Décembre 2012, les statistiques montrent que la violence et les violations des droits humains continuent.

Les exactions commises par les services de sécurité ont été largement documentées, non seulement par les mécanismes des droits de l’homme, mais aussi par la presse nationale et internationale. Cependant, la plupart de ces abus restent impunis. Le cas de Florence Cassez en est un exemple : en dépit de sa libération sur ordre de la Cour Suprême de Justice, à ce jour, aucun fonctionnaire impliqué dans le coup monté et la détention arbitraire a été poursuivi et puni. En tant qu’organisations des droits humains, qui accompagnent les victimes de torture, d’exécutions extrajudiciaires, de viols, de détentions arbitraires et de disparitions forcées commises par les agences de sécurité de l’État et qui dénoncent l’impunité face à ces violations, nous exprimons notre préoccupation quant à l’absence de changements conséquents dans la politique de lutte contre le trafic de drogues.

Il est également important de noter qu’au Mexique les défenseurs des droits humains sont en danger, comme l’a confirmé le bureau du Haut-Commissariat des Droits de l’Homme de Nations Unies et diverses organisations de la société civile. Le 24 Février 2014, le SEGOB a indiqué qu’un an après la création du Mécanisme de Protection de Journalistes et des Défenseurs, 152 demandes de protection ont été reçues, dont 22 ont été rejetées et 130 ont été acceptées. De celles-ci, 41 demandes ont été traitées et 89 demeurent en suspens. Au total, 70 % des demandes acceptées n’ont pas été traitées; parmi les cas reçus, le nombre de personnes pour lesquelles des mesures de protection ont été engagées sur les ordres du Conseil des Gouverneurs reste inconnu.

En conséquence, nous considérons que le gouvernement du Mexique n’a ni la volonté politique ni la capacité de poursuivre les personnes impliquées dans les cas d’exécutions extrajudiciaires, de détentions arbitraires, de torture, de disparitions forcées et d’attaques contre les défenseurs des droits humains. Il est donc urgent que la communauté internationale insiste sur la nécessité d’un système d’administration de la justice indépendant. Pour cela, il est très important que les deux présidents expriment publiquement leur attachement indéfectible à la lutte contre l’impunité pour les violations graves des droits humains, et leur soutien à l’action des défenseurs des droits humains dans ces deux pays.

Les organisations signataires attachent une grande importance à la coopération entre ces deux pays pour répondre à ces défis importants, tout comme pour le renforcement des institutions de la sécurité publique, du Ministère Public et de l’administration de la justice.

Cordialement,

Commission Mexicaine pour la défense et la promotion des droits de l’Homme, AC

Mouvement pour la paix avec justice et dignité

Ligue Française des droits de l’Homme

Fédération Internationale des droits de l’Homme

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