Chronique de jurisprudence

Sélection d’arrêts du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’Homme, en matière de droits de l’Homme et de libertés fondamentales.I – Conseil d’État

– Arrêt du 18 septembre 2013, M.M et autres, n° 369834. Le Conseil d’État, à propos du mariage pour tous, a renvoyé devant le Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité de conformité à la Constitution des articles 34-1, 74 et 165 du Code civil, ainsi que l’article L.2122-18 du code général des collectivités territoriales (articles relatifs aux fonctions d’officier de l’état civil) au motif que « le moyen tiré de ce que ces dispositions ne comporteraient pas les garanties qu’exige le respect de la liberté de conscience, soulève une question qui, sans qu’il soit besoin pour le Conseil d’État d’examiner son caractère sérieux doit être regardée comme nouvelle ». Parmi les conditions de saisine du Conseil constitutionnel figure celle selon laquelle la question prioritaire de constitutionnalité doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux. Le communiqué de presse du Conseil d’État minimise la portée de la saisine en précisant qu’« ainsi que le relève la décision du Conseil d’État, cette transmission ne préjuge en rien du sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité ». Le Conseil d’État était saisi d’une requête tendant à l’annulation de la circulaire du ministre de l’Intérieur du 13 juin 2013 relative aux conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier d’état civil, au motif que les articles précités ne prévoient pas une « clause de conscience » au profit de l’officier de l’état civil. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer dans un délai de trois mois.

II – Cour européenne des droits de l’Homme

– Arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 3 octobre 2013, Vosgien c. France, requête n° 12430/11. La Cour conclut à la violation de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’Homme en raison de la durée excessive de la détention provisoire du requérant. Celui-ci, soupçonné d’avoir participé à un enlèvement et à une séquestration dans le but d’obtenir une rançon, avait été interpellé et placé en garde à vue. Il avait été ensuite placé et maintenu en détention provisoire pour une durée de quatre années, trois mois et deux jours à la suite de plusieurs prolongations. La Cour rappelle en premier lieu qu’il incombe « aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable », et qu’à cette fin « il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l’existence d’une véritable exigence d’intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d’innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et d’en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d’élargissement ». La Cour confirme ensuite l’étendue de son pouvoir de contrôle en indiquant que c’est « essentiellement sur la base des motifs figurant dans lesdites décisions, ainsi que des faits non contestés indiqués par l’intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’article 5 § 3 de la Convention ». Elle estime alors que les motifs invoqués tout au long de la procédure par les juridictions d’instruction (risque de fuite, de réitération de l’infraction et de concertation frauduleuse, ainsi que de trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public) « n’étaient pas suffisants » pour justifier le maintien en détention provisoire du requérant pour la durée en cause.

– Arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 3 octobre 2013, Douet c. France, requête n° 16705/10. La Cour dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants). Le requérant invoquait des violences commises par des gendarmes lors d’une arrestation qui lui avaient causé de nombreuses lésions, attestées par trois certificats médicaux. Le tribunal correctionnel avait relaxé les gendarmes. Le jugement avait été confirmé par la cour d’appel et le pourvoi en cassation formé par le requérant déclaré non admis. La CEDH rappelle tout d’abord que « lorsqu’un individu est privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l’ordre, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 de la Convention ». Pour apprécier si l’usage de la force est strictement nécessaire et proportionné, et si l’État doit être tenu pour responsable des blessures infligées au cours d’une arrestation, la Cour « doit prendre en compte les blessures infligées ». Et la Cour ajoute, ce qui est très important en ce qui concerne la charge de la preuve, qu’ « il incombe normalement au gouvernement d’apporter des preuves pertinentes démontrant que le recours à la force était à la fois proportionné et nécessaire ». En l’espèce, la Cour note que le gouvernement ne rapporte pas cette preuve (surtout que le requérant n’avait adopté qu’une « résistance passive ») et que partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

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