Résolution « Le conflit israélo-palestinien et ses conséquences en France »

Résolution adoptée par le 82ème congrès de la LDH, Evry – 7, 8 et 9 juin 2003

Depuis plus de 50 ans, la Palestine, qui fut sous mandat britannique, est une terre de sang et de larmes : les décisions, en 1948, de la communauté internationale n’ont pas permis aux Palestiniens et aux Israéliens de vivre en paix. Un immense espoir s’était levé après la signature des accords d’Oslo. Cet espoir a disparu. Les morts s’ajoutent aux morts et tous constituent des pertes insupportables.

La LDH rappelle que la revendication nationale de ces deux peuples conduit à la création de deux États : Israël et Palestine, qui ont tout autant le droit de vivre en paix. À ce titre, la création d’un État palestinien viable à Gaza et en Cisjordanie est un droit incontestable et l’abandon de toutes les colonies en est le corollaire indispensable. Si les décisions de l’ONU prévoyaient, en 1948, un statut international pour Jérusalem et les lieux saints, il n’est sans doute pas d’autre solution possible aujourd’hui que la partition de Jérusalem et la garantie d’accès pour tous à tous les lieux saints. Le sort des réfugiés palestiniens ne peut être réglé sans que leur soit reconnu le principe du droit au retour et à indemnisation dont les modalités doivent être négociées entre les parties.

La révolte du peuple palestinien n’est que la conséquence d’injustices permanentes et répétées, de dénis du droit, aggravés par un recours quotidien à la force toujours plus inacceptable. Aujourd’hui, c’est un peuple tout entier qui ne peut ni travailler, ni se déplacer, ni se soigner ou s’éduquer ; qui, tout simplement, ne peut pas vivre.

Il appartient à la LDH de rappeler que ceux qui se livrent à ces crimes de guerre ou qui donnent l’ordre de les commettre devront rendre compte de leurs actes.

La société israélienne elle-même subit les conséquences de ce qui se passe à ses frontières. La liberté de l’information est mise en cause, les opposants marginalisés et les discriminations contre les Arabes israéliens s’amplifient, notamment lorsque l’on tente d’interdire par divers moyens aux représentants de cette minorité d’exercer leurs droits : c’est le caractère démocratique de la société israélienne qui est, en définitive, atteint.

Rien, par ailleurs, absolument rien, ne peut justifier la violence aveugle à laquelle se livrent certaines organisations palestiniennes. Les Palestiniens ont le droit de résister à l’occupation y compris par les armes. Mais, toute lutte, aussi légitime soit-elle, est comptable des moyens qu’elle utilise. Dirigés exclusivement contre des civils, les attentats suicides hypothèquent jusqu’au caractère démocratique du futur État palestinien et contribuent à empêcher toute évolution de la société israélienne, laquelle a le droit de vivre en sécurité.

Parce que chaque vie a la même valeur, la LDH refuse de se livrer à un exercice d’arithmétique entre des drames réciproques, ce qui ne peut conduire qu’à absoudre l’insoutenable d’où qu’il vienne. Elle n’entend pas, cependant, mettre à égalité celui qui occupe et celui qui est occupé. La LDH réaffirme la légitimité du droit du peuple palestinien à vivre libre.

En France, le conflit israélo-palestinien déchaîne les passions, à la mesure de l’histoire d’un pays qui n’a que très récemment accepté les responsabilités de ses autorités dans la complicité apportée au génocide des juifs, et qui, par ailleurs, continue largement à ignorer ses responsabilités coloniales et les conséquences qu’elles impliquent, notamment à l’égard des populations d’origine étrangère installées en France.

La LDH relève, de plus, les effets désastreux des emportements verbaux et écrits qui fleurissent ici ou là, de comparaisons historiques confuses et inexactes, en diabolisation des uns et des autres : assimilation du sionisme au racisme ou assimilation des Palestiniens au « terrorisme international », c’est d’abord l’impossibilité de dialoguer qui se manifeste, puis c’est la violence qui s’exprime.

Commises au nom de la défense de l’État d’Israël, les agressions qui ont frappé diverses associations, dont à plusieurs reprises le MRAP, ou des personnes, y compris des membres des forces de l’ordre, sont insupportables. Il n’est pas admissible que les pouvoirs publics aient pris, apparemment, la décision de ne pas en assurer la répression.

Des actes et des violences antisémites ont lieu. Il importe de dire, avec force, qu’ils sont intolérables et qu’ils doivent être sanctionnés. Aucune raison et certes pas la défense des droits du peuple palestinien ne peut justifier de tels actes. La LDH a exercé son droit à se constituer partie civile contre les auteurs de ces violences et elle continuera à le faire, comme elle le fait pour toute manifestation de racisme.

La LDH n’entend pas pour autant accepter l’assimilation de la critique de la politique d’Israël à des actes antisémites. Elle s’insurge contre tous ceux qui, prétendant représenter la communauté juive, tentent de confondre la lutte contre l’antisémitisme et le soutien au gouvernement d’Israël. En agissant ainsi, ces organisations conduisent à un enfermement communautaire et prennent la lourde responsabilité de transformer un conflit politique en un conflit ethnique et religieux.

À l’inverse, la LDH souhaite que toutes les organisations qui s’accordent sur la nécessité de lutter contre toutes les formes de racisme et pour la création de deux États au Proche-Orient, s’unissent pour combattre ceux qui tentent d’attiser la haine sur le territoire de la France.

Enfin, la LDH relève combien la communauté internationale fait preuve, en ce domaine, d’une politique partiale et peu respectueuse de sa propre légalité internationale. Les États-Unis continuent de défendre presque inconditionnellement leur allié, l’État d’Israël, et l’Europe manifeste son impuissance politique, tentant de se dédouaner par des contributions financières.

Le Parlement européen a décidé de demander, avec raison, la suspension de l’accord d’association avec Israël. La LDH soutient cette initiative qui a le mérite de sanctionner économiquement les comportements contraires aux droits de l’Homme du gouvernement israélien, sans amener à boycotter ce pays. Elle considère qu’un boycott ne conduirait qu’à enfermer un peu plus la société israélienne dans le repli sur soi et à y affaiblir les forces de paix dont nous sommes solidaires. Elle salue les Israéliens qui militent avec courage et détermination à travers différentes associations pour une paix dans la justice. C’est par un dialogue incessant et sans concessions, que l’on peut espérer un changement d’attitude, indispensable à la reconnaissance des droits du peuple palestinien.

Il reste à la communauté internationale à cesser sa politique de « deux poids deux mesures », notamment dans l’application des résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies, et à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que, d’ores et déjà, soit mis un terme aux crimes de guerre provoqués par le blocus ou l’occupation par l’armée israélienne de nombreux territoires palestiniens. C’est à la communauté internationale qu’il appartient d’interrompre l’appropriation des terres par Israël qui ne cesse de s’étendre, et d’imposer la présence d’une force de protection.

En rappelant ces principes, la LDH ne fait pas le choix d’un camp contre un autre. Elle choisit le camp du droit.

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