2002 – RAPPORT ANNUEL – N°111 – A propos des conséquences des élections présidentielle et législatives – (mai)

Le résultat du second tour de l’élection présidentielle laisse un goût amer dans la bouche.
Certes, la mobilisation a été magnifique : les manifestations du 27 avril et du 1er mai marqueront l’histoire de la République. Mais nous avons été contraints de porter à la présidence de la République un homme dont l’histoire personnelle et le projet politique ne sont pas faits pour nous rassurer. L’hétérogénéité des 80% d’électeurs qui ont voté pour Jacques Chirac lui interdit de penser que c’est son programme qui a été plébiscité, ce qui est un moindre mal, mais ne lui interdit pas de le mettre en application.
Tout reste à faire. Continuer à endiguer l’extrême droite, à consolider le barrage qui s’est dressé le 1er mai. C’est la raison pour laquelle nous demandons à tous les candidats de prendre solennellement l’engagement de ne contracter aucune alliance avec les représentants de cette idéologie lors des élections législatives. La démocratie nous oblige à supporter le FN et le MNR, pas à les considérer comme des partis comme les autres. Les postures radicales adoptées par certains, qui renvoient dos à dos tous les partis politiques dits « de gouvernement », n’ont d’autres conséquences que de banaliser un peu plus l’extrême droite et d’ancrer, plus profondément, le « tous pourris ». On sait, dans l’histoire, le prix de telles divagations. L’on sait, aussi, qu’à rester sur la défensive, nous ne ferions que continuer à reculer. Le combat est d’une autre ampleur. Jean-Marie Le Pen, et les idées qu’il a réussi à distiller jusqu’à gauche de l’échiquier politique, ne sont pas un phénomène conjoncturel. Que 18% des électeurs aient considéré comme possible et normal de voter pour lui, en toute connaissance de cause, révèle la profondeur du mal. Et porter une condamnation morale ne suffit pas à y remédier.
Réhabiliter le débat politique est d’une urgence absolue : un système démocratique dont les gens se sentent exclus (nous y réfléchirons lors de l’Université d’automne), un silence total sur les enjeux de l’Europe, un aveuglement devant la précarité qui touche presque dix millions de personnes en France, voici quelques sujets, parmi d’autres, sur lesquels nous devons à la fois réfléchir et agir. Sans compter notre action quotidienne pour que ceux qui sont déjà victimes de l’air du temps ne deviennent pas, définitivement, une classe d’exclus dont il faudrait juguler, par tous les moyens, l’expression du désespoir. Sans se cacher, non plus, la réalité d’une situation qui exige de prendre en compte les insécurités, toutes les insécurités, si l’on ne veut pas que le discours politique reste vain et que cette vanité ne conforte, en définitive, un peu plus l’extrême droite. Exerçons, en ce domaine, une vigilance de tous les jours pour que les effets d’annonce gouvernementaux ne se transforment pas, sur le terrain, en des opérations qui feraient de quartiers entiers le terrain d’exercice d’une répression sociale massive.
Tout ceci, la LDH doit l’impulser et y participer pleinement à la place qui est la sienne. Cela exige tout d’abord de savoir accueillir les nouveaux adhérents qui se sont manifestés à l’occasion de l’élection présidentielle afin de renforcer nos moyens d’action et nos forces. Cela exige, aussi, d’être encore plus sur le terrain, tous les jours et de ne pas attendre d’être interpellé mais bien d’aller au devant des besoins qui se manifestent. Nous avons du travail.

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