Contrôles d’identité au faciès : ne pas renoncer à agir !

Déjà en 2001, le Syndicat de la magistrature – dans son ouvrage « Vos papiers ! » – dénonçait la multiplication insupportable des « contrôles d’identité au faciès », ce qui lui valut les foudres des syndicats de police et du ministre de l’intérieur, Daniel Vaillant. Quelque dix années et de nombreuses études plus tard, nul ne peut désormais contester ces abus. Même le candidat François Hollande en paraissait convaincu en s’engageant, dans son programme, « à lutter contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité » par la mise en place « d’une procédure mieux encadrée, respectueuse des citoyens ».
Dès le 1er juin, le Premier ministre annonçait d’ailleurs que bientôt les policiers remettraient un reçu lors des contrôles d’identité, et ce afin de lutter contre toute pratique discriminatoire.

Mais le ministre de l’intérieur, particulièrement soucieux de ménager la susceptibilité des syndicats de police dont certains criaient déjà au « discrédit sur l’honnêteté morale des policiers », manifestait rapidement des velléités d’enterrer cette promesse ce que confirmait son discours du 19 septembre aux cadres de la police et de la gendarmerie.
La remise d’un reçu serait ainsi « trop complexe à mettre en place », manifesterait « une défiance » envers les forces de l’ordre et pourrait même être « contraire aux règles sur les fichiers »… Et la fin (officielle) du tutoiement, le rétablissement du numéro de matricule sur les uniformes des agents, voire l’installation de caméras-boutons sur ces mêmes uniformes (!) représenteraient autant d’alternatives « miraculeuses » répondant à l’engagement du Président de la République.

Quant au rapport du défenseur des droits, confirmant la nécessité d’une réforme, il ne semble pas avoir convaincu le gouvernement d’agir …

La question est pourtant trop importante pour la traiter par le mépris et trop sérieuse pour que l’on se satisfasse de simples rappels à la déontologie ou de gadgets vestimentaires !

Il s’agit en effet de mettre fin au dévoiement de cette procédure qui conduit certaines personnes à voir leur identité contrôlée plusieurs fois par semaine (voire par jour !) par les mêmes fonctionnaires de police – probablement amnésiques…
Il s’agit de faire cesser des pratiques discriminatoires objectivées notamment par une étude menée en 2009 par des chercheurs du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), étude qui révèle que les personnes perçues comme « arabes » ou « noires » ont 7 ou 10 fois plus de risque d’être contrôlées que celles perçues comme « blanches ».

La disparition de ces pratiques malheureusement banalisées par l’élargissement, sans aucun contrôle, des conditions d’exercice des contrôles d’identité passera nécessairement par leur limitation aux stricts impératifs de lutte contre la délinquance et par un contrôle rigoureux de cet usage.

Cet objectif se satisfait pleinement du champ déjà très large du contrôle d’identité dit « judiciaire » qui suppose l’existence de simples « raisons plausibles de soupçonner » que la personne « a commis ou tenté de commettre une infraction, se prépare à commettre un crime ou un délit, est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ou fait l’objet de recherches ordonnées par l’autorité judiciaire ».

On peut donc sereinement envisager, sans mettre en danger la sécurité de nos concitoyens, la suppression des contrôles dits « administratifs » – permettant le contrôle de toute personne, quel que soit son comportement, pour « prévenir une atteinte à l’ordre public » –, des contrôles sur réquisitions du procureur de la République ainsi que des contrôles dits « Schengen » qui sont, sans conteste, le principal vecteur des pratiques discriminatoires constatées. De fait, ces contrôles ont pour l’essentiel servi la politique de « chasse aux étrangers ».

Leur suppression apparaît seule de nature à en réduire substantiellement le nombre ; elle n’est pour autant pas suffisante : une trace matérielle doit subsister à la suite de chaque contrôle pour s’assurer de leurs motifs objectifs, circonstanciés et se référant aux critères définis par la loi.
La délivrance d’un récépissé trouve ici sa place et n’est pas incompatible avec la législation sur les fichiers si l’exemplaire conservé par les forces de l’ordre ne porte pas de données nominatives mais un simple numéro d’identification, comme cela a été suggéré par certaines associations.

N’en déplaise enfin à M. Valls, la mise en œuvre d’un contrôle sur l’activité d’une institution, dans une société démocratique, loin d’être une mesure de défiance insupportable, est de nature à renforcer la confiance des citoyens dans cette institution.
Plus certainement, mettre fin à ces pratiques – qui apparaissent comme une des principales causes de la dégradation des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre – pourrait participer au rétablissement d’un indispensable dialogue.

Il est donc plus que temps de sortir de cette situation, contraire aux principes démocratiques, et source d’une profonde révolte : mobilisons-nous !

Xavier Gadrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature

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