Tunisie : quel avenir pour les droits humains et la démocratie ?

Communiqué d’EuroMed Droits, dont la LDH est membre

Depuis le 25 juillet dernier, EuroMed Droits, ses membres tunisiens et ses partenaires suivent de près la situation politique en Tunisie après que l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a été interdite de réunion et le chef du gouvernement limogé. L’annonce récente par le président tunisien Kaïs Saïed, dans la nuit du 23 au 24 août, de la prolongation de ces mesures exceptionnelles « jusqu’à nouvel ordre » et d’une déclaration au peuple « dans les prochains jours » soulève des interrogations quant à l’avenir pour les droits humains et les acquis démocratiques depuis 2011. EuroMed Droits constate l’augmentation des interdictions de voyager qui touchent plusieurs tranches de la population, des assignations à domicile et le recours à des tribunaux militaires pour juger des civils, et s’inquiète des discours de haine qui se propagent dans le pays.

La démocratie ne peut fonctionner sans l’existence d’institutions législatives et exécutives qui représentent la volonté du peuple et mettent en action cette volonté. Un retour au fonctionnement normal des institutions de l’État, fondé sur la séparation des pouvoirs, est d’autant plus nécessaire que les citoyen.ne.s tunisien.ne.s continuent de faire face à d’importantes difficultés économiques, sociales et sanitaires.

L’annonce d’un délai clair (et son respect) pour mettre fin à l’état d’exception et marquer le retour à l’État de droit et à la démocratie est une nécessité à laquelle aucun État démocratique ne peut se soustraire. EuroMed Droits considère que la mise en place, réclamée plusieurs fois par le réseau, de la Cour Constitutionnelle, organe prévu par la Constitution de 2014, aurait permis de trancher le débat sur la constitutionnalité des récentes décisions. Sa création dans les plus brefs délais est primordiale.

Tout projet futur doit en outre s’assurer du respect des engagements internationaux de la Tunisie, tout particulièrement en matière de respect des droits humains, y compris des droits des femmes et des droits des personnes migrantes. Les libertés d’expression, d’association, de participer à la vie politique du pays sont des droits fondamentaux garantis par la Constitution de 2014 ; ceux-ci doivent être respectés afin d’empêcher tout retour à un état policier.

L’autonomie des Instances publiques indépendantes, dont la liste complète figure au chapitre VI de la Constitution tunisienne, doit également être au cœur de ces priorités. Soutenues depuis leur création par des organisations de la société civile, dont EuroMed Droits, celles-ci sont les garantes du respect des droits humains et des libertés fondamentales. Leur indépendance est essentielle pour la transition démocratique. EuroMed Droits dénonce la fermeture des locaux de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, par décision du Ministre de l’Intérieur, et la suspension de ses activités pour une durée indéterminée.

EuroMed Droits se tient aux côtés de ses membres et partenaires tunisiens, de toute la société civile et des Tunisien-ne-s, afin d’assurer une transition pacifique vers une démocratie participative qui puisse répondre à leurs besoins et aspirations. EuroMed Droits restera vigilant quant au respect des droits humains et aux restrictions aux libertés que le réseau observerait dans les prochaines semaines, et appelle à une vigilance similaire au niveau international. C’est à cette condition que la Tunisie pourra rester un phare démocratique qui brille dans la région depuis les révoltes arabes de 2011. Dans le cas contraire, les droits humains, les garanties constitutionnelles et la démocratie seront en danger en Tunisie.

Le 27 août 2021

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