18 juin 2021 – Tribune collective – « Les enfants des camps syriens sont des victimes que la France abandonne en leur faisant payer le choix de leurs parents » publiée dans Le Monde

Appel à l’initiative de la LDH et de la FIDH, signé par plus d’une centaine de personnalités, et publié dans Le Monde

Depuis plus de deux ans, près de deux cents enfants français sont détenus arbitrairement avec leurs mères dans les camps de Roj et d’Al-Hol au Nord-est de la Syrie.

Les conditions de vie dans ces camps sont désastreuses et la situation n’en finit pas de se détériorer. Ces enfants français, dont la grande majorité à moins de six ans, portent les stigmates de leurs blessures et de leurs traumatismes. Ils ne bénéficient d’aucun soin approprié et ne sont pas scolarisés.

De nombreux observateurs et ONG font état depuis des années de cette situation profondément attentatoire aux droits humains. Le 8 février 2021, une vingtaine d’experts indépendants des droits de l’Homme auprès des Nations Unies ont appelé à une action immédiate pour « prévenir des dommages irréparables aux personnes en situation vulnérable qui y sont détenues » et ont relevé qu’« un nombre indéterminé de personnes sont déjà mortes à cause de leurs conditions de détention ». Madame Fionnuala Ni Aolain, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a déclaré que « l’existence de ces camps entache la conscience de l’humanité ». Dans son rapport du 17 février 2021 intitulé Europe’s Guantanamo, l’ONG Rights and Security International (RSI) décrit avec précision l’état de santé dégradé et les profonds traumatismes de ces enfants laissés sans soins.

L’Unicef, le Comité International de la Croix rouge, le Haut-responsable de l’ONU Monsieur Panos Moumtzis, la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Madame Dunja Mijatovic et Michelle Bachelet, Haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, ont tous appelé au rapatriement de ces enfants dans leur intérêt supérieur. En France, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme et le Défenseur des droits ont adopté la même posture, sans que l’exécutif ne se décide à reconsidérer son refus catégorique de rapatrier ces enfants et leurs mères.

Aux conditions de détention indignes s’ajoutent les traitements inhumains et dégradants auxquels ces enfants doivent faire face. Ils ont interdiction de parler avec leurs familles, et l’accès aux camps est interdit aux familles françaises et aux avocats. Ces femmes et ces enfants ont tous ou presque été incarcérés dans une prison souterraine située près de Qamishli et sont restés entassés dans des cellules de quelques mètres carrés, sans pouvoir ni se laver, ni manger à leur faim, durant des semaines et parfois des mois.

Ces enfants sont innocents. Ils n’ont pas choisi de partir en Syrie ni de naître en zone de guerre ou dans ces camps. Ils sont des victimes que la France abandonne en leur faisant payer le choix de leurs parents. Laisser périr ces enfants dans ces camps est indigne de notre Etat de droit et contraire à nos engagements internationaux. Les rapatrier sans leurs mères, comme le souhaiteraient certains Etats, ne répond pas à l’intérêt supérieur de ces enfants. Ces femmes ne peuvent de toute façon être jugées qu’en France et doivent répondre de leurs actes devant les juridictions antiterroristes françaises chargées de leurs dossiers. Récemment encore, les autorités kurdes ont rappelé qu’elles ne pouvaient ni ne voulaient les juger, et ont exhorté les Etats étrangers à rapatrier ces enfants avec leurs mères.

La Cour européenne des droits de l’Homme, saisie du cas de trois enfants français et de leurs mères détenus arbitrairement dans les camps du Nord-est syrien, siègera le 29 septembre prochain en Grande Chambre. Le Parlement européen a quant à lui voté une résolution en février dernier appelant au rapatriement de tous les enfants européens dans leur « intérêt supérieur ». La Belgique, la Finlande et le Danemark ont rendu publique leur décision de rapatrier l’ensemble de leurs ressortissants, et l’Allemagne et l’Italie ont d’ores et déjà commencé à rapatrier des enfants et leurs mères. Les Etats-Unis, la Russie, le Kosovo, l’Ukraine, la Bosnie, l’Albanie, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan ont rapatrié ou rapatrient actuellement leurs ressortissants.

Nous appelons la France à rapatrier immédiatement ces enfants français qui, victimes de traitements inhumains et dégradants, périssent à petit feu dans les camps syriens.

Lire l’appel dans Le Monde

Paris, le 18 juin 2021

Signataires : Philippe ANNOCQUE, écrivain ; Pascale ARBILLOT, actrice ; Ariane ASCARIDE, comédienne ; Dominique ATTIAS, première vice-présidente de la Fédération des Barreaux d’Europe, Secrétaire générale de l’association Louis Chatin pour la défense des droits de l’enfant ; Yves AUBIN DE LA MESSUZIERE, ancien ambassadeur ; Pierre AUSSEDAT, acteur ; Geneviève AVENARD, défenseure des enfants 2014-2020, exprésidente du Réseau Européen des Défenseurs des Enfants ; Geneviève AZAM, économiste ; Patrick BAUDOIN, président d’honneur de la Fédération Internationaledes Droits de l’Homme ; Thierry BARANGER, magistrat honoraire, ancien président du tribunal pour enfants de Paris et Bobigny ; François BEL, artiste sculpteur, plasticien ; Rachid BENZINE, écrivain, islamologue ; Muriel BEYER, éditrice ; Jean-Marc BOIVIN, directeur de programme Handicap International ; Sandrine BONNAIRE, actrice ; Éric BONNARGENT, écrivain ; Jean-Marc BORELLO, président du Groupe SOS ; Ronan BOUROULLEC, designer ; Rony BRAUMAN, ancien président de Médecins Sans frontières France ; Jean-Charles BRISARD, président du Centre d’Analyse du Terrorisme ; Jean-Marie BURGUBURU, président de la Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme ; Alain CANONNE, président d’Afrique et Création ; Ursula CARUEL, artiste plasticienne ; Philippe CAUBERE, comédien ; Jean Paul CHAGNOLLAUD, professeur de sciences politiques àl’université Cergy-Pontoise, directeur de la revue internationaleConfluences Méditerranéennes ; Elie CHOURAQUI, réalisateur, producteur ; Lyne COHEN-SOLAL, journaliste et ancienne adjointe à la mairie de Paris ; Jean-Marie COMBELLES, comédien ; Roger CORNILLAC, acteur et metteur en scène ; COSTA-GAVRAS, réalisateur ; Boris CYRULNIK, psychiatre ; Daniel DAMART, éditeur ; Marie DARRIEUSSECQ, écrivaine ; Vincent DEDIENNE, acteur, auteur, metteur en scène ; Émilie DELEUZE, réalisatrice ; Claire DENIS, réalisatrice ; Marie DERAIN, défenseure des enfants 2011-2014 ; Marie DESPLECHIN, écrivaine ; Marie DIDIER, médecin, écrivaine ; Sébastien DOUBINSKY, écrivain ; Michel DUCLOS, ancien ambassadeur de France en Syrie ; Françoise DUMONT, présidente d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme ; Anny DUPEREY, actrice ; Julie ESTEBE, écrivaine ; Marina EUDES, maitre de conférences en droit public ; Georges FENECH, ancien juge d’instruction ; Nicole FERRONI, actrice, humoriste, chroniqueuse ; Audrey FLEUROT, actrice ; Michel FORST, rapporteur spécial des Nations Unies, secrétaire général de l’Institut français des Droits et Libertés ; Cathy GALLIEGUE, écrivaine ; Julie GAYET, comédienne ; Susan GEORGE, politologue, écrivaine franco-américaine ; Jean-Pierre GETTI, magistrat honoraire, ancien président de cour d’assises ; Bernard GOLSE, pédopsychiatre, professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, président de l’Association Européenne de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent ; Romain GOUPIL, réalisateur ; Anne GRAVOIN, violoniste ; Robert GUEDIGUIAN, réalisateur ; Mia HANSEN-LOVE, réalisatrice ; Isabelle HAUSSER, écrivaine ; Adeline HAZAN, magistrate, ancienne contrôleure des lieux de privation de liberté, conseillère spéciale auprès du président d’Unicef France ; Serge HEFEZ, psychiatre, psychanalyste ; Nicolas HENIN, journaliste, ancien otage de l’État islamique ; Jacques JOSSE, écrivain ; Ismaël JUDE, écrivain ; Gabriel JULIEN-LAFERRIERE, réalisateur ; Jean-Claude LALUMIERE, écrivain ; Martine LAROCHE-JOUBERT, grand reporter ; Camille LAURENS, écrivaine ; Bertrand LECLAIR, romancier, essayiste ; Henri LECLERC, avocat honoraire, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme ; Claude LELOUCH, réalisateur ; Joëlle LOSFELD, éditrice ; Édith MASSON, écrivaine ; Gilles MARCHAND, écrivain ; Lionel-Édouard MARTIN, écrivain ; Corinne MASIERO, actrice ; Marie-Castille MENTION-SCHAAR, réalisatrice ; Noémie MERLANT, actrice et réalisatrice ; Jean-Benoît MEYBECK, illustrateur, graphiste, auteur de bandes dessinées et de livres jeunesse ; Valérie MILLET, éditrice ; Ariane MNOUCHKINE, metteuse en scène de théâtre ; Vincent MONADE, éditeur, ancien président du CNL ; Richard MORGIEVE, écrivain ; Laure MURAT, historienne, écrivaine, professeure à l’Université de Californie à Los Angeles ; Jean NAVARRO, professeur honoraire de pédiatrie, ancien directeur de la politique médicale de l’APHP ; Éric OUZOUNIAN, journaliste, écrivain, père d’une des victimes de l’attentat du Bataclan ; Martin PAGE, écrivain ; Eric PESSAN, écrivain ; Sébastien PIETRASANTA, rapporteur du projet de loi sur la lutte contrele terrorisme ; Raphaël PITTI, médecin-général des armées ; Edwy PLENEL, journaliste ; Gilles PORTE, cinéaste ; Sophie PUJAS, écrivaine, journaliste ; Bruno RAFFAELLI, comédien ; Jean-Michel RIBES, metteur en scène et auteur ; Pascal ROGARD, directeur général de la Société des Artistes et Compositeurs Dramatiques ; Jean-Luc RONGE, président de Défense des Enfants-International France ; Jean-Pierre ROSENCZVEIG, magistrat honoraire, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny ; Anne ROUMANOFF, actrice ; Laurine ROUX, écrivaine ; Emmanuel RUBEN, écrivain ; Malik SALEMKOUR, président de la Ligue des droits de l’Homme ; Georges SALINES, ancien médecin de santé publique, membre de l’Association française des Victimes du Terrorisme, père d’une des victimes de l’attentat du Bataclan ; Pierre SANTINI, acteur ; Josyane SAVIGNEAU, biographe et journaliste ; Inga SEMPE, designer ; Bruno SOLO, acteur ; Antoine SPIRE, président du Pen Club de France ; Pierre SUESSER, pédiatre, médecin de santé publique en PMI Seine Saint-Denis. ; Jeanne SULZER, responsable de la commission Justice internationale d’Amnesty International France ; Sandra SZUREK, professeur émérite à Paris-Nanterre, ancienne vice présidente de l’Association Française des Nations-Unies ; Philippe TORRETON, acteur ; Anne-Karen de TOURNEMIRE, écrivaine ; Marc TREVIDIC, président de cour d’assises, ancien juge anti-terroriste ; Virginie TROUSSIER, écrivaine ; Romain VERGER, écrivain ; Marc VILLEMAIN, écrivain ; Zahia ZIOUANI, cheffe d’orchestre

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