Sur l’adhésion française au Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I)

Pièce maîtresse du droit humanitaire, les quatre conventions de Genève du 12 août 1949 visent à protéger « les victimes de la guerre ». elles ont été complétées en 1977 par deux Protocoles additionnels, le Protocole I relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux et le Protocole II relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux. Alors que la France a ratifié en 1984 le Protocole II, elle était restée à l’écart du Protocole I, jusqu’à ce jour.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme a attiré l’attention des pouvoirs publics sur l’importance du Protocole I pour la modernisation du « droit de Genève », notamment dans ses avis des 6 avril 1990, 7 juillet 1994, 8 janvier 1998 et 16 février 1998.

La CNCDH tient également à rappeler qu’à la suite de l’engagement public pris il y a trois ans par le Premier ministre devant la commission des droits de l’homme des Nations unies, elle s’est préoccupée à plusieurs reprises de l’avancement du processus interministériel en cours.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme :

I. Se félicité donc de l’adhésion de la France au Protocole I qui, pour tardive qu’elle soit, marque un progrès important pour le droit français et renforce l’ensemble que constitue le droit international humanitaire.

II. Déplore néanmoins les nombreuses « réserves et déclarations interprétatives » qui assortissent l’adhésion française. Elle regrette de ne pas avoir été consultée au cours des travaux préparatoires et souhaite être à l’avenir mieux informée de l’évolution des textes en discussion qui concernent le droit humanitaire et les droits de l’homme, afin de pouvoir être associée à titre consultatif à leur élaboration.

III. Tout en reconnaissant que la faculté de formuler des réserves et déclarations interprétatives relève de l’appréciation de chaque gouvernement, la CNCDH souhaite que ces réserves et déclarations interprétatives ne puissent être regardées comme affaiblissant la portée de l’engagement souscrit et que l’interprétation qui en sera donnée soit conforme aux principes du droit international humanitaire.

1- Ainsi, elle tient en particulier à rappeler que les principes et règles du droit humanitaire s’appliquent aux armes nucléaires. Sans être à même d’ouvrir en l’état un débat sur le statut des armes nucléaires, qui a contribué à retarder l’adhésion de la France au Protocole I, la CNCDH souligne que la stratégie de dissuasion nucléaire doit tenir pleinement compte de ses impératifs.

2- Souhaite également attirer l’attention du gouvernement sur la protection de la population civile, en particulier sur le fait que :

– d’une part la déclaration présentée sous le point 9 ne saurait remettre en cause « la définition des personnes civiles et de la population civile » donnée à l’article 50 du Protocole I ;

– d’autre part, le point 11, en se référant à la protection de « sa » population civile, ne peut être entendu comme autorisant une protection discriminatoire selon un critère de nationalité ;

– en outre, le point 13 sur la protection des biens culturels doit s’interpréter en tenant dûment compte des engagements déjà assumés par la France au titre de la Convention de La Haye de 1954 sur la protection des biens culturels en cas de conflits armés ;

– le point 14 ne saurait se référer au seul critère du « but spécifique » d’une attaque pour l’autoriser, sans prendre en compte ses conséquences sur la population civile, conformément à l’article 54 du Protocole I ;

– le point 15 relatif aux cas de cessation de la protection spéciale aux « ouvrages contenant des forces dangereuses » tels que digues, barrages, centrales électriques ou nucléaires lorsque ces ouvrages peuvent « contribuer à l’effort de guerre », ne saurait autoriser des attaques à même d’entraîner des pertes sévères dans la population civile, que l’article 56 vise justement à protéger dans de telles situations ;

IV. Regrette en outre vivement que la France n’ait pas accepté la compétence de la « Commission d’établissement des faits » prévue à l’article 90 §2 du Protocole qui constitue un progrès important du droit international humanitaire. Elle rappelle que ce mécanisme d’enquête propre au droit de Genève ne préjuge aucunement des compétences de la future Cour pénale internationale. Elle souhaite que, dans son propre intérêt, la France fasse sans tarder la déclaration prévue à l’article 90 ;

V. Souhaite qu’un effort particulier soit fait pour la mise en œuvre effective du droit de Genève dans son ensemble sur le plan interne ainsi qu’en matière de formation et d’information du public ;

VI. Recommande dans le même sens que la France envisage favorablement la ratification de la Convention des Nations unies sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et de crimes contres l’humanité de 1968, et de la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre de 1974.

Paris, le 6 juillet 2001

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