Sur la situation de Mohamed Chalabi

Lettre de Michel Tubiana, président de la LDH, à M. Daniel Vaillant, ministre de l’Intérieur, sur la situation de Mohamed Chalabi

Monsieur le Ministre,

La Ligue des droits de l’Homme attire votre attention sur la situation de Mohamed Chalabi, ressortissant algérien, maintenu au centre de rétention d’Arenc, à Marseille, et qui doit prochainement faire l’objet d’une expulsion vers l’Algérie.

La Ligue relève que l’intéressé a été condamné, lors du procès « Chalabi », pour avoir poursuivi des activités de relais essentielles au sein du réseau du GIA en France pendant et après les premiers attentats de l’été 1995.

A notre connaissance, il fait aussi l’objet de poursuites en Algérie.

Vous ne pouvez ignorer, tant l’ensemble des organisations internationales de défense des droits de l’Homme (FIDH, Amnesty International ou Human Rights Watch) s’en sont fait l’écho, que les autorités algériennes sont accusées de pratiquer la torture. L’institution judiciaire elle-même ne bénéficie pas des garanties nécessaires à son indépendance.

Le risque d’être exposé à des traitements inhumains et dégradants est donc avéré, notamment si M Chalabi est mis au secret comme il est devenu habituel. Tel a d’ailleurs été le sort de M Hamani.

En procédant à l’expulsion de M Chalabi en direction de l’Algérie, vous violeriez sciemment, et sous votre responsabilité, l’ensemble des conventions internationales dont la France est signataire et plus simplement encore les règles mêmes de droit interne.

Nous vous rappelons que la Cour européenne des droits de l’Homme considère qu’une expulsion vers le pays d’origine constitue une violation de l’article 3 de la CEDH lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé court un risque réel d’être soumis à un traitement dégradant et inhumain. Cette interdiction, formulée par l’article 3, s’applique donc quel qu’ait été le comportement de l’intéressé et quel que soit le danger qu’il représente pour l’ordre public.

De plus, Monsieur Chalabi, né en France et parent d’enfants français, a l’ensemble de ses attaches familiales sur le territoire national. Ainsi, une expulsion porterait gravement atteinte au droit à une vie privée et familiale de l’intéressé tel que défini par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CEDH).

Nous vous demandons, en conséquence, de bien vouloir mettre en œuvre les moyens nécessaires afin que Monsieur Chalabi soit assigné à résidence en France. Vous comprendrez que nous rendions publique cette lettre.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de notre haute considération.

Michel TUBIANA, président de la LDH

Paris, le 08 novembre 2001

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