Rapport annuel 2020 sur les exportations d’armement de la France

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Alors que l’audience de la ministre des Armées se tient à huis-clos, le Parlement doit pouvoir exercer enfin un véritable contrôle des ventes d’armes françaises

Onze organisations humanitaires et de défense des droits humains dénoncent la volonté du gouvernement français de maintenir l’opacité sur ses ventes d’armes, à l’occasion de l’audition à huis clos le 7 juillet 2020 de la ministre des Armées, Florence Parly, à la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale au sujet de son rapport sur les exportations d’armement de la France sur l’année écoulée.

En maintenant cette audition confidentielle, les autorités françaises nient à la société civile, aux médias et à l’opinion publique le droit de s’assurer que la France respecte bien ses engagements internationaux en matière de droits humains et de droit international humanitaire, tel que l’exige le Traité sur le commerce des armes (TCA).

Les transferts d’armes de la France ne devraient en aucun cas contribuer à la “souffrance humaine” comme rappelé par le Groupe d’Éminents Experts internationaux de l’ONU sur le Yémen dans son dernier rapport, publié le 3 septembre 2019. Nos organisations appellent ainsi les parlementaires à se mobiliser pour que la France rende enfin des comptes sur ses exportations d’armes, notamment celles à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis dans le cadre du conflit au Yémen. Les transferts d’armements soupçonnés d’alimenter les violations des droits humains dans le conflit au Yémen doivent cesser immédiatement.

Si le gouvernement a la responsabilité d’être transparent, le Parlement a celle d’assurer le contrôle de l’action du gouvernement.

« Nous avons acquis une conviction très forte : il faut créer les conditions d’une collaboration régulière entre l’exécutif et le législatif sur cette question de souveraineté », a récemment affirmé le député Jacques Maire, co-rapporteur de la mission d’information sur le contrôle des exportations d’armement, dont le rapport doit être publié dans les semaines à venir. Les élus doivent désormais faire écho à ces déclarations et jouer enfin leur rôle d’organe de contrôle des exportations d’armement français. Nos organisations seront vigilantes à ce que cet appel inédit se traduise par une transparence plus grande non seulement à l’égard du Parlement mais aussi à l’égard de la société civile, de l’opinion publique et des médias. L’audition du 7 juillet, doit être une première étape vers cette construction d’un nouveau rôle de contrôle des exportations d’armes de la France par le Parlement. Des vies civiles sont en jeu.

Paris, le 7 juillet 2020

Signataires : Amnesty International France, Action contre la faim, Acat – Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, Cairo Institute for Human Rights Studies, Fédération internationale pour les droits humains, Humanity and Inclusion – Handicap International, Ligue des droits de l’Homme, L’Observatoire des armements, Médecins du monde, Mwatana for Human Rights, Oxfam France


Citations d’ONG :

Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer Armes à Amnesty International France :

L’audition à huis-clos de la ministre des armées est un exemple flagrant de l’opacité entretenue par le gouvernement autour de ses ventes d’armes. Amnesty International appelle à ce que cette audition
se tienne désormais de manière publique afin de garantir un véritable débat et un contrôle efficient des ventes d’armes en France.
Une transparence complète de la part des autorités françaises est en effet l’unique moyen pour la société civile, les parlementaires, l’opinion publique et les médias de s’assurer que la France n’alimente pas en armes des pays qui participent ouvertement à des violations des droits humains, avec le risque majeur que ces armes y contribuent.

Jon Cunliffe, Directeur régional d’opérations Moyen-Orient pour Action contre la faim :

La France est l’un des nombreux pays qui ont continué à vendre des armes aux pays impliqués dans le conflit au Yémen. Ces armes ont contribué à produire des souffrances humaines d’une ampleur inégalée depuis la seconde guerre mondiale. Des milliers de personnes sont victimes des conséquences
directes du transfert de ces armes. Des dizaines de milliers d’autres sont mortes des suites indirectes de leur utilisation, comme par exemple à cause de la destruction des infrastructures. Aujourd’hui, 2,4 millions d’enfants risquent de mourir de faim d’ici la fin de l’année. La France doit dès maintenant mettre fin aux exportations d’armement à destination des parties impliquées dans le conflit, et ce faisant, elle fournira à tous les autres pays un exemple de bonne conduite.

Elias Geoffroy, responsable programmes et plaidoyer Maghreb et Moyen-Orient à Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) :

Une nouvelle fois, la France s’illustre par son opacité en matière de vente d’armes : rapport au  parlement lacunaire, audition de la ministre des armées à huis-clôt, absence de tout contrôle parlementaire… Il est temps que la France se mettent au niveau des autres démocraties, en permettant
une plus grande transparence en la matière ainsi qu’un contrôle parlementaire pérenne et efficace, afin d’assurer le respect par la France de ses engagements internationaux. A cet égard, nous espérons que le rapport de la mission d’information sur le contrôle des armements se montrera à la hauteur de nos demandes.

Nada Awad, chargée de plaidoyer international au Cairo Institute for Human Rights Studies :

La France, comme le reste de la communauté internationale, doit mettre fin à toutes les licences et les livraisons d’armes, d’équipements militaires et de munitions à toutes les parties au conflit au Yémen, et plutôt promouvoir la mise en œuvre d’un cessez-le-feu et la protection des civils, ainsi que
la lutte contre l’impunité (accountability) et l’accès à la justice, qui sont des aspects non-négociables de toute paix durable au Yémen.

Anne Hery, directrice du plaidoyer de Handicap International :
En cinq ans de guerre, la population yéménite a été victime de toutes sortes d’armes explosives – bombes aériennes, tirs d’artillerie, obus de mortiers, etc. – qui ont détruit des hôpitaux, des ponts, routes, etc. Dans son dernier rapport ‘Condamnation à mort pour les civils’, HI a montré comment les
bombardements en zones peuplées ont anéanti des décennies de développement au Yémen. En vérité, la France a un choix simple: vendre des armes ou protéger réellement les civils yéménites. Cet exemple dramatique remet en avant le besoin urgent de renforcer le contrôle parlementaire français sur les exportations d’armements.

Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) :
La France ne peut pas continuer à se rendre complice des exactions parfaitement connues des régimes totalitaires (Egypte, E.A.U, Libye) auxquels elle fournit des armes. Nos parlementaires, représentants des citoyens français, doivent avoir un droit de regard sur le strict respect de ses engagements internationaux et notamment du TCA. Ils doivent pouvoir rappeler le gouvernement au respect des droits fondamentaux des populations civiles, victimes potentielles des armes vendues par la France.

Julien Bousac, directeur des opérations internationales à Médecins du monde :

Les parties au conflit sont directement responsables de la situation humanitaire au Yémen. La France ne peut plus fermer les yeux sur sa propre responsabilité dans les souffrances des yéménites, alors qu’elle continue de vendre des armes aux belligérants.

Radhya Al-Mutawakel, présidente de Mwatana for Human Rights :

La France devrait enquêter sur son rôle et celui de ses fonctionnaires dans les violations et les crimes de guerre vraisemblablement commis par ses alliés au Yémen. Alors que la coalition dirigée par les Saoudiens et les Emirats Arabes Unis a attaqué des civils et des biens civils, y compris des hôpitaux et des écoles, la France a continué à leur vendre des armes. La France devrait soutenir les efforts de lutte contre l’impunité au Yémen plutôt que d’aider ses alliés à éviter la justice.

Tony Fortin, chargé d’études à L’Observatoire des armements :

Après un an et demi de travail, il est plus que temps que la mission d’information sur le contrôle des armements rende son rapport et que l’on mette en place un début de démocratie sur les ventes d’armes. La France ne cesse d’accumuler du retard par rapport à l’Allemagne et au Royaume-Uni où les parlementaires ont accès aux contrats d’armement.

Jon Cerezo, responsable campagne humanitaire à Oxfam France :

Le Yémen ne peut plus attendre, 24 millions de personnes en besoin d’aide humanitaire souffrent de plus de 5 années de crise, auxquelles s’ajoute aujourd’hui la menace du Covid-19. La France doit faire preuve de cohérence et respect de ses engagements. Il est urgent que le gouvernement arrête d’alimenter le conflit en armes françaises.

 

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