Le prix de la LDH au festival du Film des droits de l’Homme de Guadeloupe

Par la LDH de Guadeloupe

 

Pour son prix 2017, le Jury de la LDH Guadeloupe devait statuer les 20 et 21 octobre 2017 à partir d’une sélection des 8 films suivants : The good postman ; Place à la révolution ; Le gardien du non-retour ; I am not your negro ; Terre des roses ; Le vénérable W ; The war show ; Ouvrir la voix.

Ce n’est pas le lieu de disserter sur ce que l’on entend par “droits de l’Homme”, mais sur l’ensemble des films projetés à l’occasion de cette 4ème édition du FIFDH ; force est de constater que si certains films montrent des combats difficiles mais qui paraissant in fine gagnés contre l’injustice, contre le racisme, pour la liberté, etc., nous laissent dans un bel optimisme, d’autres à l’inverse, sont terriblement pessimistes, d’autant que les actualités liées aux événements qu’ils relatent continuent à nous apporter son lot de tragédies.

Pour reprendre les mots d’introduction d’Élisabeth Gustave, il n’y a, de notre point de vue, que certains films dont on peut dire qu’ils dévoilent la nature cathartique du cinéma.

Le ton était donné dès l’avant-première au REX : Loving nous montrait le combat difficile d’un couple que les USA qualifie de “mixte” ; difficile ─ oh combien ! ─, mais que le couple, devenu symbole, gagne au plus haut niveau de la Justice. Leur victoire faisant évoluer les lois des états ségrégationnistes, en matière de “mixité” conjugale.

Le film suivant, Détroit nous a, lui, asséné un terrible coup de massue sur le crâne, d’autant que nous savons que la brutalité policière des événements de 1967 qu’il relate n’a guère évolué, à l’encontre de la population noire des USA.

Le film d’ouverture au MémorialACTe, Burning birds n’est pas venu, le lendemain, nous réenchanter, loin s’en faut.

Aussi avons-nous décidé que le prix de la LDH se devait d’être double, pour répondre aux deux positionnements des films du Festival ─ reflet de la réalité ─, singulièrement, des films de notre sélection. Certains font profession d’optimisme, d’autres auraient tendance à nous pousser au pessimisme.

Ensuite, nous avons constaté que les films de notre sélection ne jouaient pas dans la même cour. Ainsi The good postman, très joli film qui se situe dans le champ de l’optimisme est le seul film fiction de la liste ; les 7 autres sont peu ou prou des documentaires. Et, nous avons considéré que I am not your negro, pour nous un chef d’œuvre, était hors concours.

 

Le palmarès :

Pour ce qui est du Prix LDH-Colère et Désespoir, nous avons hésité entre Le vénérable W et The war show ; nous avons finalement choisi le second. Moins monolithique. Et, pour ce qu’il en est du Prix LDH-Espoir, il revient sans hésitation à Place à la révolution.

 

L’analyse :

Extraordinaire épopée populaire et artistique Place à la révolution montre comment un magnifique sursaut citoyen non violent est impulsé de manière improbable par deux artistes musiciens. Leur détermination, particulièrement efficace, appuyée sur une forte mobilisation populaire permet en 1 an et 15 jours de renverser le régime dictatorial instauré au Burkina Faso depuis 27 ans (après l’assassinat de Thomas Sankara) et d’ouvrir le temps des élections démocratiques.

Précieux témoignage d’histoire contemporaine, ce film nous transporte au cœur d’une révolution sociale – de ses prémices à son aboutissement. Il restitue la libre expression d’une multitude d’acteurs dans le temps de l’action.

Le film de « Galadio » Kiswendsida Parfait Kaboré est porteur d’un immense espoir pour les peuples opprimés. Ce “balai citoyen” montre que même après des décennies d’oppression, l’émergence d’une conscience citoyenne peut faire à nouveau prévaloir les droits de l’homme, qui plus est par des actions non violentes. En outre, le film tout public de Parfait Kaboré a d’indéniables qualités pédagogiques pour l’éducation à la conscience et à l’action citoyenne.

The war show part à peu près d’une même présentation des personnages, des jeunes gens (artistes eux-mêmes ou proches des milieux artistiques), mus par la même soif de liberté, quelque part ─ au moins au début ─ la même jeune insouciance, beaucoup plus illustrée dans celui-ci ─ du reste la réalisatrice se met en scène ─, la même confiance dans l’avenir. Mais la fin du film qui n’est pas la fin de l’histoire, laquelle se déroule en Syrie, arrive à un point opposé de la réalité. Certains camarades de notre joyeuse équipe sont arrêtés, torturés, tués ; ceux qui ont pu échapper se retrouvent en exil. Et l’on voit des images des foules de réfugiés quittant la Syrie.

Blaise Compaoré n’est pas Bachar El Hassad, le Burkina n’est pas la Syrie. Les enjeux géopolitiques ne sont pas les mêmes. La complexité de la situation est tout autre, notamment avec la question religieuse, très présente (jusqu’aux confrontations avec les islamistes), etc. Beaucoup d’éléments de cette complexité syrienne nous sont dévoilés à travers le parcours de la réalisatrice et de ses camarades.

Ces deux films se complètent sur le plan de ce qu’ils nous montrent et, compte tenu de leur qualité cinématographique, méritent de se partager le Prix de la LDH.

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