Nos organisations appellent à un passage du Projet de loi “Développement solidaire” en Conseil des ministres

Lettre ouverte de plusieurs ONG françaises, dont la LDH, au président de la République

Alors que l’examen du projet de loi de programmation relatif au « développement solidaire » est à l’arrêt depuis deux ans, plus d’une cinquantaine d’associations et d’ONG françaises, actrices de la solidarité internationale, interpellent Emmanuel Macron. « Nos organisations en appellent solennellement à un passage du texte de loi en Conseil des ministres avant la fin de l’année 2020 »

Monsieur le Président,

Vous avez exprimé à de multiples occasions la nécessité de financements à la hauteur des enjeux et des engagements pris par la communauté internationale pour l’action de la solidarité internationale.

À l’issue de leur réunion du 16 mars, les membres du G7 déclaraient nécessaire de « concevoir et mettre en œuvre promptement l’assistance internationale nécessaire pour permettre aux pays, notamment aux pays émergents et en développement, de faire face au choc sanitaire et économique que représente le Covid-19 ».

À l’échelle du globe, entre 200 et 500 millions de personnes supplémentaires pourraient sombrer dans la pauvreté alors que le nombre de décès liés au sida, à la tuberculose, au paludisme, pourrait doubler dans les douze prochains mois.

Nous vivons un retour en arrière dramatique inversant les progrès déjà trop limités des deux dernières décennies. Ce contexte renforce l’urgence d’avoir la solidarité internationale au cœur des priorités de la politique française comme internationale, avec des faits qui traduisent les mots.

La défense et la promotion des droits humains et des libertés publiques sont cruciales pour les objectifs que la solidarité internationale doit poursuivre. La consolidation des institutions démocratiques et de l’État de droit, le non recours à la violence comme instrument politique, la lutte contre toutes les formes de discrimination nécessitent de renforcer le soutien et la protection des acteurs et actrices de la société civile engag-é-s sur les multiples terrains où l’on assiste à la violation des droits humains.

Depuis votre élection, vous avez fixé l’objectif des financements français pour l’aide publique au développement à 0,55 % du revenu national brut en 2022. La trajectoire de croissance des financements devait être incluse dans une loi quinquennale d’orientation et de programmation pour le développement, faisant suite celle de juillet 2014.

Coordination Sud et l’ensemble des ONG françaises, actrices de la solidarité internationale, avec toutes celles et ceux qui sont engagé-e-s au quotidien pour cette cause, avaient salué vos annonces. Nos organisations se sont largement mobilisées pour que cette loi ait un contenu ambitieux : pour que le rôle de la société civile y soit pleinement reconnu (comme il est reconnu déterminant sur le terrain) ; pour que la lutte contre la pauvreté et toutes les inégalités, pour l’égalité d’accès effectif à tous les droits, et pour que la défense des principes humanitaires, y soient clairement énoncés.

Nous avons continuellement partagé ces préoccupations ainsi que toutes nos autres attentes avec votre gouvernement et dans toutes les enceintes de concertation comme le Conseil national pour le développement et au sein du Conseil économique, social et environnemental.

Mais force est de constater que le processus d’adoption de cette loi n’a pas progressé malgré deux années déjà passées depuis son lancement. Nous ne comptons plus les « go and stop » qui se sont succédés et qui mettent en question les engagements qui ont été les vôtres à ce sujet.

Monsieur le Président, nos organisations en appellent solennellement à un passage du texte de loi en Conseil des ministres avant la fin de l’année 2020 ; une loi forte, tirant les leçons de l’actualité et qui soit ainsi tournée vers l’avenir.

Aussi, tenant compte du calendrier et pour lui donner prévisibilité et crédibilité, nous attendons que cette loi étende les orientations à 2027 avec une programmation budgétaire fixant l’atteinte de l’objectif des 0,7 % du revenu national brut en 2025. Le Cese a fait sienne cette recommandation dans son avis adopté en séance plénière en février 2020 et elle a été largement reprise par les parlementaires de tous bords lors de l’examen du projet de loi de finances 2021.

Cette loi doit aussi consacrer la place et le rôle de la société civile, comme actrice clé pour une action humanitaire et pour les politiques de développement, au plus près des populations. C’est la condition d’une efficacité que vous affirmez appeler de vos vœux.

La Conférence nationale humanitaire qui se tiendra le 17 décembre vous offre une nouvelle opportunité pour donner un calendrier d’adoption qui traduise vos annonces faites en 2017.

À une époque où nombre d’acteurs majeurs de l’échiquier international prônent des replis, ou diminuent leur aide internationale, cette loi est l’occasion pour que la France confirme une autre voie, actant le rôle central de la solidarité et de la coopération internationales dans les relations internationales.

Nos organisations attendent désormais que ces multiples effets d’annonce soient enfin suivis d’actions concrètes.

En vous remerciant par avance de la prise en considération de notre préoccupation, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Paris, le 13 décembre 2020

Lire la lettre ouverte et la liste complète des signataires sur Mediapart

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