Communiqué LDH et Utopia 56
La nuit du 23 au 24 novembre 2021, trente trois personnes sont montées à bord d’une embarcation dans l’espoir d’une vie meilleure. Quelques heures plus tard, cette embarcation fait naufrage dans la Manche : vingt sept meurent noyées, quatre sont portées disparues. L’enquête révèle que des opérateurs du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) ont été contactés au moins à quatorze reprises par l’embarcation sans qu’aucune opération de sauvetage ne soit déclenchée, laissant l’embarcation dériver en eaux anglaises.
Le 13 février 2023, trois familles de victimes et deux associations, Utopia 56 et la LDH (Ligue des droits de l’Homme), représentées par Me Jessica Lescs et Me Emmanuel Daoud et soutenues par l’expertise juridique de l’association Intérêt à agir, ont déposé une demande aux fins de voir leurs préjudices indemnisés auprès de madame la Première ministre, monsieur le ministre de l’Intérieur, monsieur le secrétaire d’Etat chargé de la mer, monsieur le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, monsieur le directeur du Cross relative à l’inaction fautive de l’Etat lors du naufrage, d’une part, et aux manquements de l’Etat à ses obligations en matière de moyens humains et matériels affectés au sauvetage des personnes qui traversent la Manche.
La demande déposée le 13 février 2023 vise l’inaction fautive du Cross : la situation de détresse en mer des occupants de l’embarcation ne faisait aucun doute au regard du nombre d’appels à l’aide dans un temps très court, des cris et des pleurs qui pouvaient se faire entendre lors des appels, de l’absence de bruit de moteur, des indications précises des occupants et du signalement effectué par le tanker Concerto. Tous ces éléments auraient dû déclencher une opération de secours immédiate.
Le Cross a en outre communiqué des informations parcellaires à son homologue britannique : dans les échanges avec les gardes-côtes britanniques, la situation de détresse dans laquelle se trouvait l’embarcation n’a jamais été mentionnée, les britanniques ont demandé « avec insistance et à plusieurs reprises » aux Français d’envoyer le Flamant (patrouilleur français), bien plus proche du bateau qui « coule » que le Valiant. « L’opératrice du Cross refusera de le faire intervenir, arguant qu’il est occupé sur un autre cas« , ce qui sera contredit par l’étude radio qui démontrera qu’il n’était « pas occupé sur une mission vitale« .
Cette demande dénonce d’autre part l’insuffisance des moyens humains et matériels affectés au sauvetage des personnes qui traversent la Manche.
La finalité de cette procédure est de mettre en lumière les responsabilités et les carences fautives des administrations impliquées dans ce drame et d’obtenir l’indemnisation des préjudices moraux et matériels subis par les demandeurs.
Si aucune réponse n’est donnée par Matignon dans les deux mois à compter de cette demande, un recours sera déposé devant les tribunaux administratifs compétents.
Signataires : LDH (Ligue des droits de l’Homme), Utopia 56.
Paris, le 15 février 2023