Mesures immédiates, efficaces et concrètes pour mettre fin à l’oppression des Palestiniens par Israël

Lettre ouverte d’AlHaq, de la FIDH et de la LDH à l’attention de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères

Monsieur le Ministre,

Face à l’escalade des attaques agressives israéliennes contre les Palestiniens, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses organisations membres en France et Palestine, la Ligue des droits de l’Homme et Al Haq, vous adressent cette lettre urgente, demandant à la France de prendre des mesures immédiates, efficaces et concrètes pour mettre fin à l’oppression israélienne des Palestiniens, aux violations du droit international et aux possibles crimes de guerre.

L’annexion de facto étant déjà en cours depuis de nombreuses années par le biais de diverses politiques israéliennes, notamment l’appropriation continue de terres et de biens palestiniens, ainsi que l’établissement et l’expansion des colonies illégales d’Israël, il est important que la réponse de la communauté internationale s’attaque aux causes du conflit en vue de mettre fin à l’impunité de ces crimes.

La récente escalade a éclaté après l’expulsion programmée de plusieurs familles palestiniennes de leurs maisons dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem. Ces familles sont elles-mêmes des réfugiés. Elles ont été installées dans le quartier de Sheikh Jarrah en coordination avec l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), après avoir été expulsées de force de leur ville natale lors de la Nakba de 1948. Inhérente à son régime de colonisation et d’apartheid, la politique israélienne de fragmentation, de dépossession, de manipulation démographique et de transfert de population visant à éliminer les Palestiniens et à les remplacer par des Israéliens continue d’être appliquée en toute impunité. Ce cycle de violence répétitif est le résultat de l’impunité prolongée accordée à Israël pour ses violations du droit humanitaire international et des lois internationales sur les droits humains, dont nous craignons qu’elle ne s’intensifie et ne se répète en cas d’une simple désescalade, s’il n’y a jamais de conséquences pour les violations du droit international.

Au cours des derniers jours, Israël a intensifié de manière disproportionnée ses attaques contre les Palestiniens. En violation flagrante du droit international, les forces d’occupation israéliennes et les colons israéliens ont envahi l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa et ont fait un usage excessif de la force contre les fidèles, les manifestants et les passants.

Les frappes aériennes israéliennes à Gaza ont tué plus de 200 personnes à ce jour, dont au moins 58 enfants et 34 femmes, selon le ministère palestinien de la Santé. Depuis le début des frappes aériennes israéliennes sur Gaza cette semaine, au moins 2400 Palestiniens ont été blessés, et ce nombre devrait augmenter alors que les ambulanciers continuent de mener des opérations de recherche. Les biens publics protégés par le droit humanitaire international, tels que les cliniques médicales, les médias, le Conseil législatif, les écoles et les centres culturels, les infrastructures telles que l’eau, l’électricité, les routes, etc., ont également été pris pour cible, ce qui pourrait constituer des violations graves du droit international et possiblement des crimes de guerre.

Plus de dix Israéliens dont deux enfants ont été tués par des roquettes tirées depuis Gaza. Ces attaques indiscriminées violent également le droit international et peuvent aussi constituer des crimes de guerre.

Dans un tel contexte, les actions entreprises dans le cadre des mécanismes internationaux de justice et de responsabilité, notamment l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation en Palestine, sont un barrage essentiel au cycle de violations. Il est nécessaire ici de rappeler qu’en avril dernier, les représentants des familles palestiniennes de Sheikh Jarrah ont envoyé une lettre, approuvée par plus de 190 organisations, au Bureau du Procureur de la CPI, demandant d’inclure de toute urgence le déplacement forcé imminent des Palestiniens de Sheikh Jarrah dans le cadre de l’enquête ouverte.

Alors que l’escalade se poursuit, avec des bombardements intensifs sur la bande de Gaza, et aucun signe de répit, nous accueillons le role que la France, membre permanent du Conseil de sécurité, a joué afin de faciliter les efforts de médiation et de proposer une action au Conseil de sécurité.

Aux vues des bloquages récurrents au niveau du Conseil de sécurité, et considérant l’engagement de la France à réagir à l’abus du droit de véto dans des situations de crimes de masse, nous appelons le ministère français des Affaires étrangères à:

  • engager et/ou soutenir une initiative auprès de l’Assemblée générale de l’ONU, dans le cadre de la résolution 377 de l’Assemblée générale de l’ONU “Union pour le maintien de la paix”, qui appelle notamment à la mise en place d’un cessez-le feu immédiat et, à la lumière de l’abus du droit international par toutes les parties belligérantes, demande un embargo sur la fourniture, la vente ou le transfert direct et indirect de toute arme et munition aux parties belligérantes ;
  • soutenir publiquement et activement les efforts de responsabilisation et notamment l’enquête en cours de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes internationaux commis en Palestine (y compris à Gaza et en Cisjordanie) ;
  • demander l’établissement d’une enquête indépendante sur les violations du droit international humanitaire et des droits humains ;
  • prendre des sanctions ciblées à l’encontre des responsables de violations des droits humains et d’infractions graves au droit international humanitaire, en encourageant la communauté internationale à faire preuve de fermeté à cet égard.

Par ailleurs, considérant que le droit à la liberté de réunion est un droit constitutionnel en France, et que ce droit est protégé par le droit européen et international des droits humains, nous déplorons l’interdiction des manifestations en faveur du respect de la vie des civils dans le conflit au motif qu’elles permettraient des expressions antisémites et violentes. Nos organisations vous rappellent que lorsque les organisateurs d’une manifestation ont l’intention que celles-ci soient pacifiques et qu’elles n’inciter pas à la haine ou portent atteinte à l’intégrité physique de quiconque, ils ont le droit de le faire. A la lumière de ces éléments, la demande du ministre de l’Intérieur français aux préfets de police de ne pas autoriser les manifestations était, selon nos organisations, disproportionnée, au regard du devoir général de l’État de permettre le droit à la liberté de réunion[1] et à la lumière des autres mesures que l’État peut prendre[2], comme communiquer avec les leaders des manifestations pour prévenir le désordre et assurer la sécurité de tous les participants.

Alice Mogwe, présidente de la FIDH

Shawan Jabarin, directeur exécutif de AlHaq et vice-président de la FIDH

Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme

 

Paris, Ramallah, le 18 Mai 2021

 

[1]      Voir notamment l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’assemblée et la jurisprudence correspondante de la Cour européenne des droits de l’homme.

[2]      Voir notamment les lignes directrices de la Commission de Venise sur la liberté de réunion pacifique.

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