à Mayotte, des étrangers, réels ou supposés, sans droit ni loi

Anafé / Collectif d’associations de la Réunion

 

Le 27 mars 2017, l’Anafé, dont la LDH est membre, publiait son rapport : « 976 : Au-delà des frontières de la légalité. Rapport de mission à Mayotte/La Réunion ». Il présente les résultats de la mission exploratoire de l’Anafé réalisée en mars 2016. Un état des lieux de la situation à Mayotte met en lumière les dysfonctionnements liés notamment,au régime dérogatoire applicable aux personnes étrangères et dénonce les nombreuses violations de leurs droits, notamment celles privées de liberté. Juste après la réalisation de cette mission, un collectif d’associations de La Réunion, dont la section réunionnaise de la LDH, adoptait une « Plateforme des associations de la Réunion pour le respect de l’État de droit et la paix civile à Mayotte ». De la pratique de terrain à la dénonciation politique, les deux démarches se complètent.

Le rapport de l’Anafé

Chaque année, près de 20 000 étrangers sont privés de liberté à Mayotte. Presque tous sont renvoyés aux Comores, parmi lesquels environ 5 000 mineurs. La question de la privation de liberté revêt donc un enjeu particulier notamment au regard du régime dérogatoire qui s’y applique en matière de droit des étrangers.

La particularité de la situation à Mayotte, en termes économiques, sociaux ou culturels, est régulièrement utilisée pour justifier les différences de traitement avec le reste du territoire français et les violations des droits fondamentaux de la population en général et des étrangers en particulier.

Sous couvert d’un “afflux massif” d’étrangers et d’une “pression migratoire importante”, le droit applicable aux étrangers à Mayotte fait l’objet de dérogations au droit commun sans équivalent dans les autres départements : enfermement et renvoi des mineurs isolés étrangers, absence de recours suspensif contre les décisions d’éloignement, refus d’enregistrement de demandes d’asile, traitement accéléré des procédures…

L’Anafé a toujours porté une attention particulière à la situation en outre-mer et a été partie à plusieurs contentieux notamment concernant l’application du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à Mayotte.

La première mission en outre-mer, en 2016, s’est concentrée sur la situation dans l’Océan indien et notamment à Mayotte et à la Réunion. Elle avait pour but d’appréhender la question de la privation de liberté des étrangers, au regard de la confusion des régimes applicables en centre de rétention et en zone d’attente. L’objectif était aussi d’enquêter sur la situation et les pratiques de l’administration à Mayotte et d’apporter un soutien aux acteurs associatifs et aux professionnels qui œuvrent au quotidien pour l’amélioration de la situation des étrangers privés de liberté faisant l’objet d’une réelle violence institutionnelle.

S’il est vrai que l’on ne peut détacher Mayotte de son contexte, cette différenciation – appelée « exception mahoraise » – est bien trop souvent utilisée aux niveaux local et national pour justifier les exceptions législatives et réglementaires, une pratique attentatoire au principe d’indivisibilité de la République, à ses valeurs et principes fondamentaux, ainsi que les violations des droits fondamentaux.

Les informations recueillies lors de la mission de l’Anafé ont permis de mettre en lumière de graves dysfonctionnements à Mayotte et des violations des droits des étrangers notamment des personnes plus vulnérables (personnes privées de liberté, demandeurs d’asile, personnes malades, femmes enceintes ou mineurs). L’Anafé préconise des modifications des législations et des pratiques aux autorités locales et nationales pour une réponse humaine, solidaire, immédiate et respectueuse des droits humains.

Téléchargez le rapport « 976 – Au-delà des frontières de la légalité rapport de mission de l’Anafé à Mayotte et la Réunion »

 

Plateforme des associations de la Réunion

 

– Considérant la situation prévalant à Mayotte, en particulier depuis janvier 2016, les exactions collectives violentes commises, au su des autorités, à l’encontre de personnes en raison de leur origine réelle ou supposée, et la crise sanitaire et humanitaire qui en résulte pour les familles victimes ;

– Considérant les risques majeurs d’aggravation incontrôlable de cette situation mettant en cause l’Etat de droit et la paix civile à Mayotte et les possibles répercussions qui en résulteront sur la cohésion sociale à la Réunion ;

– Considérant leur commun engagement citoyen pour la défense des droits de l’Homme et la solidarité des peuples de l’Océan Indien ;

– Réaffirmant, sur la base de leurs précédentes expressions publiques, leur volonté de coordonner leurs initiatives pour l’arrêt des violences collectives, le rétablissement de l’Etat de droit et une paix civile durable à Mayotte; et s’engageant à cet effet à échanger toute information utile relative à l’évolution de la situation à Mayotte et dans l’archipel des Comores; à collecter et à diffuser les informations exactes et pertinentes à ce sujet  et à se concerter sur leurs interventions auprès des médias et des pouvoirs publics ;

 

Les associations et les organisations soussignées entendent agir ensemble, auprès des responsables publics et représentants de la société civile à la Réunion ainsi qu’au niveau national, notamment aux fins suivantes :

 

1. Exiger en priorité, en complément des actions déjà engagées par les associations, la mise en œuvre rapide des moyens publics disponibles à la Réunion et à Mayotte pour venir en aide, sur un plan sanitaire et humanitaire, aux familles illégalement délogées et pourvoir à leur relogement durable ;

 

2. Continuer à alerter sur l’évolution de la situation à Mayotte et sur les risques majeurs d’aggravation menaçant la paix civile et réclamer toute action utile pour rétablir l’Etat de droit à Mayotte ;

 

3. Obtenir de toutes les autorités responsables à Mayotte qu’elles s’engagent positivement en faveur de la paix civile et de l’Etat de droit, et à cet effet qu’elles coopèrent selon les missions relevant de leurs compétences, en vue de :

– soutenir les demandes de droits, en particulier celles visant à la protection des personnes en danger, au respect des droits des enfants, à l’aide humanitaire et au relogement des familles victimes d’exactions ;

– assurer la mobilisation des forces de l’ordre pour garantir la sécurité des personnes et des biens, empêcher toute nouvelle opération collective de “décasage” et engager les poursuites judiciaires contre les auteurs de telles exactions collectives constitutives de violations manifestes de la loi ;

 

4. Demander que le droit des étrangers applicable à Mayotte permette l’exercice de toute voie de recours préalable contre les mesures d’expulsion vers des pays tiers et apporter une contribution sur le plan juridique à la défense des droits des personnes victimes d’exactions depuis janvier 2016 et/ou menacées d’éloignement vers un pays tiers ;

 

5. Obtenir des plus hautes autorités françaises et comoriennes l’ouverture, sans préalable ni condition, de pourparlers portant :

– d’une part, et par priorité, sur les questions humanitaires et la prévention des naufrages mortels en mer entre Anjouan et Mayotte ;

– d’autre part sur la mise en œuvre effective de programmes de co-développement en faveur de de l’ensemble de l’archipel ;

 

Les associations signataires rappellent à cet égard que les dispositifs d’intervention et les financements existent et sont significatifs sur la période 2014/2020 (État, collectivités de La Réunion et de Mayotte, fonds européens du FEDER et du FED).

 

Elles se déclarent disponibles, à la mesure de leurs moyens et de leur champ d’action, pour participer, aux côtés des autres acteurs publics et privés, aux nouvelles initiatives de coopération et de co-développement qu’appelle la situation

 

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