Loi Sécurité globale mais libertés minimales, ne votez pas la loi !

Lettre adressée aux sénatrices et sénateurs

Madame la sénatrice, monsieur le sénateur,

Vous serez amené-e le 16 mars à vous prononcer sur la proposition de loi « Sécurité globale ».

Ce texte prévoit d’étendre aux polices municipales des compétences de la police nationale. La police municipale n’est pas sous la responsabilité directe de l’autorité judiciaire, or elle va être amenée à constater des délits. De plus, certains délits listés font l’objet de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle, de sorte que le contrôle de l’autorité judiciaire sera encore plus lointain, avec un grand risque de dévoiement pour les personnes. Ceci, alors que la police municipale ne reçoit pas la formation adéquate. Et qu’une grande disparité des territoires est à craindre du fait de l’inégalité de ressources des communes. Le désengagement de l’Etat dans le domaine de la sécurité du quotidien est inquiétant pour l’égalité des citoyens. La police municipale, en étant sollicitée pour davantage de répression, pourra-t-elle être le vecteur d’une relation de confiance entre les forces de sécurité et les citoyens ? Et qui vérifiera le respect de la déontologie des policiers municipaux ?

De plus, ce texte organise une privatisation de la police en contradiction flagrante avec les normes constitutionnelles en déléguant aux agents privés de sécurité des pouvoirs réservés à la police judiciaire, sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Il n’est pas admissible que l’habilitation par l’employeur et l’agrément prévu par l’article R. 613-6 du code de la sécurité intérieure pour pratiquer une palpation de sécurité sur une personne soient supprimés. Ce sont des garanties alors qu’il est constaté que les agents ne connaissent pas les règles de droit applicables, par manque de formation. Par ailleurs, l’alignement du régime de la circonstance aggravante de la qualité d’agent privé de sécurité sur celui des policiers, démontre qu’une assimilation est à l’œuvre, alors même qu’il s’agit d’entreprises privées. 

Allant encore plus loin dans la surenchère sécuritaire, il prévoit d’instaurer une surveillance généralisée de l’espace public, en autorisant l’Etat à utiliser des drones avec caméras, portant une atteinte grave à l’intimité de la vie privée, aux données personnelles, puisque les drones pourront visualiser des intérieurs, mais également à la liberté de manifester, car la possibilité d’être suivi, voire identifié peut dissuader des manifestants, de peur d’être fiché.

Il permettrait aussi l’utilisation immédiate des images des « caméras mobiles » portées par les policiers et leur analyse automatisée pour reconnaître en temps réel l’identité de tous les manifestants (reconnaissance faciale).

La réécriture de l’article 24 de la PPL (qui devient un délit de provocation) ne modifie pas notre analyse : ce texte sera un support qui justifiera des pratiques policières déjà existantes d’interdiction de filmer, sous menace de placement en garde à vue ou en frappant des manifestants, des observatrices et observateurs citoyens ou des journalistes. Une telle mesure, avec des sanctions très lourdes (5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende) empêcherait tout contrôle citoyen, voire le travail des journalistes, en favorisant l’impunité d’auteurs de violences policières.

Il est parfaitement inconcevable que des forces de l’ordre soient habilitées à garder leur arme hors service dans des lieux recevant du public.

Et la suppression du crédit de réduction de peine des personnes commettant des violences à l’égard des forces de l’ordre est une mesure contre-productive, puisque ces crédits sont un outil de régulation pour le service pénitentiaire et non une moindre prise en compte de la gravité de l’infraction.

Parce que les risques sont considérables, je vous appelle à rejeter cette proposition de loi liberticide qui menace gravement les principes fondamentaux de notre démocratie et l’Etat de droit.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma respectueuse considération.

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