Lettre à la Préfète des Hautes-Alpes au sujet de l’accueil des personnes exilées à Briançon

Lettre ouverte commune, signée par la LDH

Madame la Préfète des Hautes-Alpes,

Depuis cet hiver, plusieurs dizaines de personnes exilées arrivent quotidiennement à Briançon. La population a changé, elle est composée de plus en plus souvent de familles et de personnes particulièrement vulnérables. Le nombre de femmes et d’enfants a triplé depuis le début de l’année.

Les capacités du Refuge Solidaire ne permettent plus d’assurer un accueil digne de ce nom, ni même de préserver la sécurité des personnes.

Nous vous demandons à nouveau la mobilisation du plan d’hébergement d’urgence à Briançon pour accueillir dignement les personnes exilées qui arrivent sur notre territoire par la montagne frontalière.

Il s’agit pour ces personnes d’un accueil temporaire, d’une à trois journées maximum, puisqu’elles repartent le plus rapidement possible vers leur destination, le plus souvent une métropole où elles pourront déposer leur demande d’asile.

Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part reçoivent chez eux les personnes épuisées et vulnérables et gèrent un refuge solidaire qui a déjà accueilli plus de 14 000 personnes.

Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part se mobilisent pour porter assistance aux personnes qui se trouvent mises en danger dans la montagne.

Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part pallient les manquements de l’Etat et des collectivités locales au regard de leurs responsabilités et leurs obligations face à la réalité migratoire.

Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part font que notre territoire reste digne et humaniste.

En 2020, la nouvelle municipalité de Briançon a choisi de se désengager du Refuge Solidaire. Au même moment, lors d’une réunion tenue à la préfecture des Hautes-Alpes le 7 juillet, votre secrétaire générale nous indiquait que le besoin d’accueil d’urgence de 30 à 35 places à Briançon était reconnu par la Préfecture, mais qu’il n’y avait pas de possibilité d’ouvrir plus de places d’hébergement d’urgence selon l’administration centrale.

Aujourd’hui, selon les jours, ce besoin est deux à trois fois plus important qu’il n’était l’an dernier.

Face à l’absence totale d’engagement de l’Etat et des pouvoirs publics, les acteurs solidaires ont dû se mobiliser une nouvelle fois pour acquérir un nouveau lieu avec des fonds privés uniquement. Mais ce lieu n’ouvrira ses portes, au mieux, qu’à la mi-août, compte tenu des travaux nécessaires de mise en conformité aux normes de sécurité.

En attendant cette ouverture, les capacités du refuge solidaire actuel ne permettent plus d’accueillir dans des conditions acceptables les personnes exilées de passage. En tout état de cause, ce nouveau lieu ne pourra pas accueillir au-delà de ses capacités et des limites de l’action bénévole.

Dans ce contexte particulièrement difficile, il n’est pas envisageable que l’Etat continue de se reposer sur les associations et la population briançonnaise alors que la population accueillie est plus nombreuse et plus vulnérable (familles avec nourrissons, personnes âgées ou handicapées).

Nous appelons l’Etat, et plus largement les pouvoirs publics, à revoir leurs responsabilités en rapport avec les situations actuelles de la migration dans le Briançonnais, à respecter leurs obligations à l’égard des exilés, et notamment le droit à l’hébergement d’urgence inconditionnel, et à mettre en place sans plus tarder un dispositif d’accueil d’urgence à la hauteur de la réalité migratoire présente et future.

Nous demandons que cette crise humanitaire soit gérée en concertation avec tous les acteurs publics et associatifs concernés, y compris du côté italien où le préfet conscient de la gravité de la situation vient d’apporter un soutien fort aux communes de Bardonecchia et d’Oulx et aux associations impliquées.

Nous demandons à notre gouvernement de mettre en oeuvre un plan d’hébergement d’urgence à Briançon, avec un nombre de places pérennes, qui soit évolutif pour s’adapter aux besoins réels. Cet hébergement doit permettre l’accueil familial sans séparation des membres de la famille et avec la possibilité de préparation des repas.

Notre alerte est solennelle et nous attendons vivement votre réponse devant cette situation d’urgence.

Afin d’éviter toute confusion ou instrumentalisation en cette période électorale, nous rendrons cette lettre publique seulement à compter de lundi 28 juin.

Avec nos salutations respectueuses,

Premières associations locales signataires :

ATD Quart monde PACA, CCFD Terre solidaire Briançon, Chemins pluriels, Icare , JRS France/Welcome – Antenne des Hautes Alpes, Low-tech & réfugiés, MJC-Centre social du Briançonnais, Paroisse de Briançon – Hautes Vallées, Refuges solidaires, Réseau hospitalité, Secours populaire Briançon, Solidaires 05, Tous migrants, Unjourlapaix, Un thé dans la neige

Premières associations nationales signataires :

ANVITA (association nationale des villes et territoires accueillants), Emmaüs France, La Cimade, La Ligue des droits de l’Homme, Médecins du monde, Médecins sans frontières, Secours catholique Caritas France, Union juive française pour la paix (UJFP), Watizat

Briançon, le 25 juin 2021

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