Le garde des Sceaux relaxé par une juridiction politique : une démocratie dégradée

Communiqué LDH

La décision est gravissime pour notre démocratie.

Pour la première fois sous la Ve république, un garde des Sceaux en exercice a comparu devant une juridiction pénale. Cela porte atteinte à la justice dans son ensemble, déjà largement fragilisée par les attaques incessantes de certains responsables politiques et de nombreux syndicats de policiers.

Comme l’a démontré son procès pour prise illégale d’intérêt, malgré les avertissements qui lui ont été largement adressés dès sa nomination, Eric Dupond-Moretti s’est obstiné à vouloir faire sanctionner deux magistrats du Parquet national financier et un juge d’instruction avec lesquels il avait eu de graves conflits en tant qu’avocat. Ces magistrats ont été totalement blanchis des poursuites disciplinaires initiées à tort contre eux et le Conseil supérieur de la magistrature a même écrit dans les décisions de relaxe que « le garde des Sceaux était dans une situation objective de conflits d’intérêts ».

En effet, selon le Code pénal et la jurisprudence de la Cour de cassation, le fait de confondre ses intérêts personnels, même simplement moraux, tels que le ressentiment ou la vengeance, avec sa fonction de dépositaire de l’autorité publique est constitutif du délit reproché et puni de 5 ans d’emprisonnement, de 500 000 € d’amende et de peines complémentaires telles que l’inéligibilité.

Mais ce n’est pas ce qu’a jugé la Cour de justice de la République (CJR) puisqu’elle a estimé que le garde des Sceaux n’était coupable de rien. Les maires et les nombreux élus locaux condamnés pour des faits semblables apprécieront le « Deux poids, deux mesures ».

Cette affaire démontre une fois de plus que la CJR doit être supprimée car, majoritairement composée d’élues et élus politiques pour juger des responsables politiques, ses décisions leur sont a priori favorables et elle ne présente pas les garanties d’impartialité exigées par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Sa suppression est nécessaire afin que chacun, membre ou non du gouvernement, soit jugé selon le droit commun, comme dans de nombreuses démocraties.

La survivance de cette juridiction d’exception fait de la France une démocratie dégradée.

Paris, le 29 novembre 2023

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