La politique migratoire de la France vue du Maghreb : « Les droits des migrant-e-s sont en danger ! »

Communiqué LDH et EuroMed Droits

« Les mesures annoncées le 6 novembre 2019 par le Premier ministre français sur la révision de la politique migratoire de la France auront un impact négatif sur les droits des personnes migrantes originaires du Maghreb, même si cette politique restrictive est déjà à l’œuvre avec, par exemple, une baisse de 30% des visas accordés aux Algériens en 2018 », a souligné Catherine Teule, vice-présidente d’EuroMed Droits et représentante de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) lors d’une conférence de presse conjointe tenue hier au siège de la LDH avec une délégation de représentant·e·s de la société civile d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie.

A moins d’une semaine de la Journée internationale des migrants (18 décembre), cette conférence concluait une série de réunions avec des responsables politiques français visant à les sensibiliser sur l’impact qu’auraient certaines des mesures proposées par le gouvernement et de suggérer des recommandations pour assurer le respect des droits des migrant·e·s originaires des pays du Maghreb.

Rachid Malaoui, le président du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique d’Algérie (SNAPAP) a déclaré qu’on devait s’attendre « à une hausse du nombre de demandes d’asile en provenance des pays du Maghreb notamment d’Algérie où plus de 200 personnes ont été arrêtées suite à leur implication dans les mouvements du Hirak ». « Certaines lois restrictives en matière de droits LGBTQ, droits des femmes et la criminalisation des sorties irrégulières au Maroc et en Tunisie alimentent également ce phénomène » a ajouté Lilia Rebaï, directrice du dialogue avec la société civile sur la région EuroMed pour EuroMed Droits.

Les représentant·e·s ont souligné la nécessité de ne pas restreindre les conditions d’accès au regroupement familial, décrivant la situation précaire des familles séparées dont les demandes n’aboutissent pas. Ils demandent également d’assurer une prise en charge effective des mineurs non accompagnés dont l’accueil et l’accompagnement doivent être centrés sur l’intérêt supérieur de l’enfant, dans le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant dont la France est partie.

Saïd Tbel, représentant de l’Association marocaine des droits de l’Homme observe que « le regroupement familial a commencé à poser problème depuis quelque temps. On a notamment recensé le cas de personnes malades qui se sont vu refuser un visa pour se faire soigner en France ».

Par ailleurs, la délégation a souligné que la mesure visant à définir des quotas professionnels par métier risquait d’entrainer une « fuite des cerveaux » des pays du Maghreb vers la France, sans répondre aux aspirations de la jeunesse issue des systèmes de formation.

Pour l’ancien ministre tunisien et président d’honneur d’EuroMed Droits Kamel Jendoubi, « les quotas professionnels retirent, à leurs dépens, des compétences essentielles aux pays du Maghreb dans des domaines comme la médecine, l’informatique et l’ingénierie. Nous ne sommes pas opposés à la libre circulation des personnes mais celle-ci doit prendre place dans un cadre plus global, ouvert à d’autres catégories socioprofessionnelles dont les travailleurs non-qualifiés et les jeunes qui doivent avoir la possibilité de se former en France ou en Europe ».

L’accent mis sur le renvoi des personnes en situation irrégulière est un autre sujet de préoccupation de la société civile maghrébine au vu de l’insistance des autorités françaises – à l’image de nombreux pays européens – de faire pression sur les partenaires des pays tiers pour accroître la réadmission de leurs ressortissants et d’accélérer les procédures de retour.

« Nous regrettons que la France fasse réadmettre aujourd’hui des migrants en situation précaire et notamment des mineurs non accompagnés alors même qu’elle est signataire de la Convention internationale sur les droits de l’enfant » a ajouté Lilia Rebaï.

La délégation a appelé la France à adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et a invité la Tunisie à suivre la même voie ainsi que ses voisins maghrébins (Algérie, Maroc).

Paris, le 13 décembre 2019

 

 

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