La LDH soutient “Une affaire de principe”, un film d’Antoine Raimbault

En salle le 1er mai 2024

Bruxelles, 2012. Le Parlement européen s’apprête à voter pour le « paquet neutre », une idée novatrice destinée à « tuer » le marketing de l’industrie du tabac. La directive portée par le commissaire européen à la santé, John Dalli, permettra, dès sa première année de mise en application, de réduire drastiquement le nombre de fumeurs en Europe. Or, celle-ci faillit bien ne jamais voir le jour en raison des manœuvres illicites de l’industrie du tabac visant à faire destituer le commissaire Dalli, limogé du jour au lendemain de façon indigne et dans la plus grande opacité, afin d’enterrer le projet de directive. Surpris par le comportement prêté par les plus hautes instances de la Commission à un adversaire politique qu’il croit incapable de tels méfaits, le député européen José Bové entraîne ses assistants parlementaires dans une contre-enquête dynamique et tumultueuse, qui les conduit à affronter le tout puissant et autoritaire président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Inspiré du réel décrit dans un chapitre de Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe de José Bové et Gilles Luneau (éditions La Découverte, 2015), ce film de fiction et d’action suit la contre-enquête de l’élu, brillamment interprété par le pétillant Bouli Lanners, et de ses assistants parlementaires, incarnés par Thomas VDB et Céleste Brunnquell. Ces personnages d’attachés parlementaires représentent deux générations différentes oscillant entre espoir d’avoir un impact sur le cours des choses et désillusion face à au poids de la machine bruxelloise, qui révèlera un complot menaçant de déstabiliser les instances européennes jusqu’à leur sommet.

En suivant ces trois personnages, Antoine Raimbault s’attache avant tout à filmer l’Etat de droit en marche, avec l’idée sous-jacente que la démocratie est un sport de combat entre pouvoir et contre-pouvoir, une recherche permanente d’équilibre. Si l’exemple de l’industrie du tabac a longtemps été considéré comme un modèle de lobbying pour fabriquer du doute ou de l’ignorance, notamment par la production d’expertises scientifiques biaisées, ce niveau d’imbrication dans le financement même de la commission est très inquiétant.

On apprécie particulièrement le choix scénaristique du personnage purement fictif de Clémence, stagiaire au Parlement, qui, en jouant un rôle important dans les investigations, porte l’espoir d’une démocratie vivante et combative, un flambeau du progressisme qui se refuse au cynisme et à une résignation qui, dans le film, peut même gagner de vieux militants, dont José Bové lui-même, écrasés par le poids de la machine bruxelloise. Le positionnement de cette stagiaire, avide de tout connaître pour mieux agir, permet simultanément à chacun de tout comprendre, même en ne connaissant rien -ou presque- au fonctionnement du parlement européen, sans que la dimension didactique soit jamais pesante, du fait d’une rythmique soutenue, interne au cadrage et à l’articulation des séquences en phase avec le rythme de l’enquête impliquant une tension émotionnelle quasi constante, génératrice de suspens à la manière de thrillers hitchcockiens.

Une Affaire de Principe porte un message positif pour la défense d’une démocratie vivante, toujours menacée, jamais gagnée, qui a besoin de militantes et militants aux principes chevillés au corps, et pour une santé publique qui doit sans cesse se battre contre les lobbies. Un film que la LDH se réjouit d’accompagner, en particulier avant les élections européennes, avec des projections-débats qui devraient conduire les électrices et les électeurs à mieux comprendre le fonctionnement et l’histoire des institutions européennes et mondiales (OMS) ainsi qu’à considérer l’importance de leur vote.

Indépendamment de ce contexte, c’est aussi l’occasion d’évoquer la santé publique[1], le rôle du tabagisme, et de nombreux autres produits industriels toxiques, générateurs de maladies chroniques et de surmortalité précoce, la nécessité d’une politique de prévention qui ne soit pas que comportementaliste, la lutte pour un égal accès aux droits pour toutes et tous, la transparence des décisions publiques à tout niveau, et le rôle des personnes élues et citoyennes et ciotyens pour agir contrer le poids de tous les lobbies industriels et financiers…

[1] Voir notamment notre entretien avec François Bourdillon, à l’origine et premier directeur général de Santé publique France, dans Droits & Libertés de mai 2023 (www.ldh-france.org/dl-numero-201/ ) et dans la 4e table-ronde du Colloque co-organisé par la fédération de Paris LDH avec le groupe de travail “Santé & bioéthique” de la LDH le 24/9/2022 (www.youtube.com/watch?v=Ljyr6uW2slo ), la rencontre-débat LDH avec Yves Lévi, vice-président de la Fondation de l’Académie nationale de médecine sur ‘’Pollutions chimiques et santé publique’’ le 16/3/2024 (www.youtube.com/watch?v=siUwxo5lmZ4 ).

Réalisation : Antoine Raimbault

Productions : Agat Films – Ex nihilo, Memento Production ; durée : 1h35

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