Réfuter les idées fausses propagées par l’extrême droite

 

IDÉE FAUSSE N°1 : « ON DEVRAIT SUPPRIMER LE DROIT DU SOL QUI PERMET À UN ENFANT NÉ EN FRANCE DE PARENTS ÉTRANGERS DE DEVENIR AUTOMATIQUEMENT FRANÇAIS »

 

Le droit du sol n’a jamais été automatique en France, sauf avant et pendant la Révolution de 1789, ou pour les enfants dont au moins l’un des parents est lui-même né en France. Depuis 1803, un enfant né en France de parents étrangers ne peut donc obtenir la nationalité française qu’à partir de ses treize ans et s’il réside régulièrement sur le territoire national depuis ses huit ans. Pour cela, il faut qu’il engage une démarche auprès de l’Etat, en plein accord avec ses parents. Offrir ce choix, c’est favoriser l’appartenance à la nation, permettre à ces jeunes de se sentir partie prenante des orientations de toute une société.

De plus, une hypothétique réforme du droit du sol risquerait de fabriquer des apatrides, comme dans le cas d’enfants nés en France de parents étrangers qui ne seraient donc ni Français ni de la nationalité de leurs parents. Une bien mauvaise solution qui n’est pas près de voir le jour, la France étant signataire de conventions internationales proscrivant la création d’apatrides sur son territoire.

 

IDÉE FAUSSE N°2 : « SI LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ÉTAIT RÉELLE, ON DEVRAIT POUVOIR TOUT DIRE, Y COMPRIS TENIR DES PROPOS RACISTES »

 

La liberté a son prix, qui est la responsabilité, et c’est la loi qui en formule les termes : elle interdit tout propos servant le négationnisme ou l’incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse.

L’extrême droite le sait bien et s’en moque. Sa thèse selon laquelle toutes les opinions se valent traverse l’histoire des mouvements nationalistes européens et prospère grâce à un large cadre juridique qui fait de la liberté d’expression l’une des libertés fondamentales protégées par les constitutions démocratiques. Dans sa rédaction, la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 ne spécifie ni les conditions particulières ni les restrictions nécessaires à cette dernière.

Pourtant, un certain nombre de textes de lois et de jurisprudences la restreignent en vertu de la protection des individus. En France, c’est la loi Gayssot qui joue ce rôle de garde-fou (1). Promulguée le 13 juillet 1990, elle vise à « réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe » et complète la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, en rappelant que« toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite (2) ».

Un point crucial pour pouvoir réfuter cette soi-disant limitation de la liberté d’expression : si cette dernière est bien entendu la condition d’existence du débat démocratique, elle devient haineuse et illégale dès lors qu’elle attaque une personne sur ce qu’elle est et non sur ce qu’elle pense.

 

 

(1)       Cette loi a été défendue par les député et sénateur communistes Jean-Claude Gayssot et Charles Lederman. Elle visait à compléter l’arsenal juridique en pénalisant le négationnisme.

(2)       Des propos ou des actes punis par une peine d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, ou par l’une de ces deux peines.

 

IDÉE FAUSSE N°3 : « IL Y A TROP DE MAIN-D’ŒUVRE DISPONIBLE ET PAS ASSEZ D’EMPLOIS POUR TOUT LE MONDE, C’EST POUR CELA QU’IL FAUT DONNER LA PRIORITÉ D’EMBAUCHE AUX FRANÇAIS »

 

Une main-d’œuvre trop importante ? Et pourtant, toute une série de secteurs n’arrivent pas à recruter à la hauteur de leurs besoins, à cause des problèmes d’information, de formation et de pénibilité non reconnue de certains métiers, ainsi que du versement de salaires trop faibles. Ainsi, 40% des bassins d’emploi connaissent des difficultés de recrutement quand 20% sont en situation chronique de chômage.

Et cette situation n’a aucun rapport avec la supposée concurrence entre les travailleurs français et étrangers. Celle-ci est un faux problème donc la solution ne réside pas dans l’exclusion d’une population au bénéfice d’une autre, mais bien dans l’engagement d’une politique de réformes structurelles axée sur la formation et la qualification ainsi que sur le niveau de rémunération qui permettrait de rendre plus attractifs certains métiers. Revaloriser les conditions de travail dans les domaines du bâtiment ou du service à la personne permettrait ainsi à chaque travailleur de pouvoir faire le choix de s’engager dans ces métiers.

Pour l’économiste El Mouhoub Mouhoud (1), cette absence de réflexion politique n’encourage pas les travailleurs nationaux à les choisir, et pousse les travailleurs immigrés à s’installer là où leurs réseaux leur permettent de trouver du travail. Tant que ce débat social et économique sera occulté, l’extrême droite pourra toujours le ramener sur le seul terrain de la « priorité nationale ».

 

(1)       In Témoignage chrétien, n°3568, décembre 2013.

 

 

IDÉE FAUSSE N°4 : « LE MÉLANGE ETHNIQUE FAIT DISPARAÎTRE L’IDENTITÉ FRANÇAISE »

 

Derrière cette notion de « mélange ethnique » se cache une idée de pureté qui n’est qu’un fantasme. Jamais une identité n’a été fondée sur le sang et encore moins sur la couleur de peau. Il est donc temps de tordre le cou à cette idée de pureté définie par Arthur de Gobineau. Pour ce diplomate français du XIXe siècle, le « mélange ethnique » a un « effet de décadence » entraînant forcément la « chute des civilisations » (1). Cette affirmation est en effet constamment démentie par les faits.

En voici quelques exemples : les échecs ont été promus par des Arabes (« al cheikh mat » veut dire « le roi est mort »), le poivre vient d’Asie, le jazz des Noirs Américains, Marie Curie qui a découvert la radioactivité était polonaise avant de devenir française, la grande chanteuse et danseuse noire Joséphine Baker, devenue française en 1937, est née aux Etats-Unis, Missak Manouchian, résistant au nazisme et mort pour la France, était Arménien. Plus près de nous, Georges Charpak, prix Nobel de physique en 1992, est né en Pologne, Zinedine Zidane, vainqueur de la coupe du monde de football en 1998 avec la France, a des parents algériens.

On pourrait continuer longtemps une énumération qui montre que la France s’est construite et continue de se construire avec des apports provenant de multiples cultures et de multiples pays. C’est ce mélange, et non la préservation d’une prétendue pureté identitaire, qui fait sa richesse.

 

(1)       Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines, Paris, Didot, 1855.

 

 

IDÉE FAUSSE N°5 : « LA PEINE DE MORT POUR LES CRIMES LES PLUS GRAVES EST UNE SOLUTION QUI DISSUADE LES GENS DE LES COMMETTRE »

 

Le supposé caractère dissuasif de la peine de mort est un argument éculé, démenti par les faits. Dans les chiffres, il n’est même pas avéré. Ainsi, aux Etats-Unis, actuellement, le taux d’homicides moyen est de 5,71 pour 100 000 habitants pour les Etats recourant à la peine de mort, et de 4,02 pour 100 000 habitants dans les Etats n’appliquant pas ce châtiment.

La peine de mort n’a donc jamais été une mesure destinée à protéger la société mais au contraire un moyen de maintenir le citoyen dans un sentiment de peur de l’autre, tout en lui garantissant un pouvoir potentiel de vengeance sur celui ou celle qui lui aurait fait du tort et, qui plus est, en prenant le risque de commettre des erreurs judiciaires irréversibles. Transiger sur la peine de mort, c’est transiger sur les règles de justice qui sont un acquis du droit des Etats européens et de la majorité des Etats dans le monde. Eriger la violence comme levier de justice, c’est rompre avec son objectif premier : le jugement comme moyen de retisser le lien social déchiré par l’infraction.

 

(1)       99 pays l’ont supprimée pour tous les crimes, 7 seulement pour les crimes de droit commun et 33 n’ont pas eu recours à la peine capitale depuis au moins dix ans, même si elle reste en vigueur dans leur législation. Sur les 58 Etats qui conservent la peine de mort dans leur arsenal judiciaire, 18 seulement ont procédé à des exécutions en 2012.

 


Textes extrait du livre En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite, de Pierre-Yves Bulteau (disponible ici : http://bit.ly/1NQFBmP)

 

 

 

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