Guyane. Montagne d’or : le rapport d’enquête publique passe outre les milliers d’avis contre le projet Bœuf mort

Communiqué commun signé par la LDH

Le rapport d’enquête publique relatif au projet d’exploitation alluvionnaire sur le site Boeuf Mort donne le feu vert à la compagnie Montagne d’or. Le Collectif Or de question et les associations nationales de soutien (France Libertés, Nature Rights, ISF SystExt, Ligue des Droits de l’Homme, Sauvons la Forêt et Planète Amazone) étaient pourtant parvenues à mobiliser massivement contre cette demande et dénoncent une enquête publique bâclée. Les opposant.es se réservent désormais la possibilité d’agir en justice si l’administration venait à délivrer une autorisation d’exploitation au regard des manquements révélés au cours de la procédure.

Pour rappel, selon l’analyse du collectif des opposants, la demande d’autorisation d’ouverture de travaux miniers (AOTM) d’exploitation d’or secondaire par la compagnie minière Montagne d’Or, ex-SOTRAPMAG, sur la concession Paul Isnard, lieu-dit Bœuf Mort est liée au projet Montagne d’or, car cette société qui détient les droits sur cette zone a l’obligation d’exploiter la concession donnée pour pouvoir en obtenir la prolongation, nécessaire pour lancer le projet de mine industrielle.

Le mépris de l’avis des citoyens

Malgré les 7.613 avis déposés auprès du commissaire enquêteur contre le projet, il ressort du document publié le 15 novembre 2017 que l’avis des participant.es n’a pas été pris en compte. En effet, plus de 2.000 avis ne sont tout bonnement pas comptabilisés dans le rapport. Malgré ces milliers d’avis négatifs, le commissaire enquêteur donne donc son feu vert à la demande de la compagnie Montagne d’or, ignorant de fait les recommandations exprimées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son rapport publié le 17 octobre 2017.

Le mépris du commissaire enquêteur pour ces milliers d’avis négatifs démontre bien le peu de considération pour la consultation des citoyennes et citoyens qui se sont pliés aux exigences de la procédure de consultation”, dénonce Marine Calmet, de Nature Rights.

Un simulacre de consultation publique

Avec deux mois de retard sur le délai prévu, le rapport d’enquête du commissaire enquêteur Guy Bernard Seraphin est cousu de fautes d’orthographes, de coquilles et d’approximations.

Certains documents manquent en annexe. De plus, le commissaire enquêteur omet d’apporter des réponses ou des analyses – c’est pourtant son rôle – et se contente de renvoyer aux informations transmises par la compagnie Montagne d’or, comme l’aurait fait un représentant de la société aurifère. Les dispositions légales relatives aux enquêtes publiques obligent pourtant le commissaire enquêteur à indiquer, en donnant un avis « personnel et motivé », les raisons qui déterminent le sens de son avis, sous peine d’entacher la décision finale d’un vice substantiel de procédure. Les jurisprudences en la matière sont nombreuses…

Le commissaire enquêteur se fait le porte-parole de l’industrie minière

Parmi les nombreuses affirmations péremptoires du dossier, le commissaire enquêteur s’appuie sur le dogme incanté depuis des années par l’industrie minière selon lequel l’orpaillage légal est le dernier rempart contre les orpailleurs clandestins, et “se fait le porte-parole des exploitants, reprenant tels quels, leurs concepts et leurs théories sans aucune preuve malgré les démentis des gens de terrain de l’ONF et de la gendarmerie”, comme le souligne Patrick Monier, de Maiouri Nature Guyane.

La principale préoccupation des personnes ayant participé à l’enquête publique était liée aux impacts environnementaux du projet. Mais à ceci, le commissaire enquêteur répond qu’au regard de l’état déjà dégradé de la zone, l’impact environnemental est « nul ».

“Cette réponse choque par son cynisme et révèle l’incapacité du commissaire enquêteur à prendre en considération la notion fondamentale de protection de l’environnement, ainsi que la capacité régénératrice du biotope tropical humide et l’obligation faite à l’Homme de restaurer un écosystème qu’il a dégradé”, dénonce Philippe Boré, membre du collectif Or de question.

Selon le Collectif Or de question, “alors que la richesse de la biodiversité pourrait être un levier d’avenir pour notre territoire, la gestion des projets impactant la forêt amazonienne semble se faire totalement au bénéfice d’intérêts privés”.

Au regard de l’ensemble de ces manquements inacceptables, le collectif Or de question se réserve la possibilité d’utiliser l’ensemble des procédures à sa disposition afin d’obtenir l’abandon du projet et notamment d’agir par la voie juridique contre le permis d’exploitation s’il venait à être délivré à la compagnie Montagne d’or.

En attendant, le dossier Bœuf Mort est renvoyé pour avis devant le Coderst qui devrait se prononcer début décembre.

Ce communiqué est co-signé par le Collectif Or de Question et plusieurs organisations nationales :

Or de question est un collectif citoyen opposé aux projets industriels d’exploitation minière, apolitique et non violent, représentant 25 organisations guyanaises avec un même objectif, à savoir, s’opposer à l’implantation de la méga-industrie minière internationale en Guyane.
Nature Rights : depuis 2009, Nature Rights s’engage à promouvoir les Droits de la Nature à travers des initiatives visant à reconnaître ces droits, les principes qui s’y rattachent et la jurisprudence environnementale. L’association est membre de l’Alliance globale pour les droits de la nature
France Libertés : créée par Danielle Mitterrand en 1986, France Libertés est une fondation reconnue d’utilité publique à but non lucratif. Elle a pour mission de défendre les droits humains et les biens communs du vivant.
Maiouri Nature Guyane : l’association a pour vocation la défense de l’Environnement, de l’Homme et des milieux naturels terrestres, aquatiques et marins de la Guyane. Elle a vu le jour en 2007 lors de l’opposition au projet minier de la Montagne de Kaw par la multinationale IAMGOLD.

Ainsi que la plateforme Sauvons la forêt, Ingénieurs sans frontières – Systèmes Extractifs et Environnements – ISF SystExt, l’association Planète Amazone et Ligue des droits de l’Homme.

 

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