Dix ans après l’avis consultatif de la CIJ sur le mur, Israël n’a toujours pas de comptes à rendre

Communiqué REMDH

À l’occasion du dixième anniversaire de l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) sur la légalité de l’édification d’un mur par Israël en Cisjordanie, le REMDH appelle l’UE et ses États membres à s’opposer activement au Mur et à mettre un terme à la situation illégale qui résulte de son édification.

Il y a dix ans, la CIJ rendait un avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé (TPO). Cet avis appelait Israël à interrompre l’édification du mur, à démanteler les portions déjà construites et à réparer les dégâts causés. Pendant ces dix années, Israël a poursuivi la construction du mur et n’a réparé aucun dégât, dans le mépris total de l’avis consultatif rendu par la Cour.

Le mur dévie largement du tracé de la Ligne Verte et à certains endroits, il pénètre de 22 kilomètres sur le territoire de la Cisjordanie occupé. Comme le confirme l’avis de la CIJ, le mur a été conçu de sorte à englober les colonies illégales d’Israël, qui constituent en elles-mêmes une grave violation de l’interdiction prévue dans la quatrième Convention de Genève concernant les transferts de population. Ces dernières années ont vu s’intensifier la construction des colonies à un rythme sans précédent.

Au fil des années,  le mur et le régime qui lui est associé ont fragmenté la société palestinienne en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, privant les Palestiniens de leur droit à l’autodétermination. Ce mur impose d’importantes restrictions arbitraires à la liberté de circulation de la population palestinienne, en violation de leur droit à un niveau de vie suffisant, à la santé, au travail et à l’éducation.   Le mur empiète également sur les terres et les ressources de la Cisjordanie et il a donné lieu à d’importantes destructions et réquisitions de biens palestiniens.

L’avis consultatif de la CIJ met en exergue les obligations d’Israël et de la communauté internationale. Conformément à ces conclusions, les gouvernements européens ont le devoir, en tant qu’États tiers, de ne pas reconnaître, aider ou contribuer à la situation illégale créée par l’édification du mur. Il est également de leur devoir de coopérer, afin de mettre un terme à ces violations. Les États membres de l’UE, Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève, sont aussi tenus de respecter le droit humanitaire international et de s’assurer qu’Israël en fait autant.

En juillet 2004, l’UE a voté à l’unanimité en faveur de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU relative à l’avis consultatif. Elle a par ailleurs souligné dans plusieurs déclarations antérieures que le mur contrevenait au droit international, notamment dans les conclusions du Conseil des affaires étrangères de décembre 2009. L’UE a également réaffirmé sa position, selon laquelle les colonies sont illégales en vertu du droit international. Elle n’est toutefois pas parvenue à exercer des pressions suffisantes sur Israël pour démanteler et mettre un terme à l’édification du mur. Elle n’est pas non plus parvenue à obliger Israël à rendre des comptes pour ses violations du droit international.

Le REMDH salue les récents efforts longtemps attendus de l’UE visant à limiter la portée de ses accords avec Israël aux frontières établies avant 1967, ainsi que la récente publication par plusieurs États membres de conseils aux entreprises, afin de les mettre en garde contre les risques que comportent les activités économiques exercées dans les colonies. Ces conseils devraient également porter sur l’ensemble des violations des droits de l’Homme et du droit humanitaire international, afin d’y inclure les activités liées au mur et au régime qui lui est associé, conformément aux principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme. Ce type de conseils devraient également être prodigués lors des forums entre entreprises soutenus par l’UE, tels que les missions de l’UE pour la croissance. Le REMDH note avec une grande inquiétude que plusieurs entreprises qui auraient enfreint le droit international ont participé à de précédentes missions de l’UE pour la croissance. Il appelle dès lors l’UE à prendre les mesures qui s’imposent, afin d’éviter que cette situation se reproduise.

Dans ce contexte, le REMDH regrette que l’élection récente d’Israël au poste de Vice-Président de la Quatrième Commission de l’Assemblée générale chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation sur nomination du  Groupe des Etats d’Europe Occidentale et Autres (GEOA) à l’ONU, composé d’un grand nombre d’Etats Membres de l’UE. Cette décision est contraire au mandat du Comité et affaiblit les efforts internationaux en faveur du respect du droit international.

Conformément aux positions actuelles de l’UE et à ses obligations internationales, telles que définies dans l’avis consultatif de la CIJ, l’UE et ses États membres doivent :

1. Prendre des mesures concrètes afin de pousser Israël à cesser l’édification du mur, à le démanteler et à fournir réparation à ceux affectés par les dommages causés ;

2. Prendre des mesures pour s’assurer qu’Israël cesse immédiatement la construction illégale de colonies ;

3. Utiliser tous les mécanismes à leur disposition, notamment dans le cadre de leurs relations bilatérales et via les mesures opérationnelles[2] prévues dans les lignes directrices de l’UE concernant la promotion du droit humanitaire international, afin d’amener Israël à rendre des comptes au regard de ses obligations en vertu du droit humanitaire international et du droit international des droits de l’Homme;

4. Interdire aux produits des colonies de pénétrer sur le marché européen et s’assurer de l’application effective et totale de la législation de l’UE eu égard aux produits des colonies. Il convient donc d’adopter des lignes directrices à l’échelle de l’UE sur l’étiquetage des produits des colonies et de prodiguer des conseils aux entreprises quant à la manière d’éviter de contribuer ou de soutenir des violations des droits de l’Homme ou du droit humanitaire international;

5. Limiter l’application des accords bilatéraux avec Israël aux frontières d’avant 1967 et mettre en œuvre des mesures similaires au niveau des États membres.

 

 

[2]Il s’agit, entre autres, de déclarations publiques, de dialogues avec les États tiers, de démarches avec les États tiers et de mécanismes locaux de rapport visant à promouvoir le respect du DHI.

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