Une soirée pour demander la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin

Communiqué LDH

La Ligue des droits de l’Homme, Mediapart, L’Humanité, avec les Amis de L’Humanité et les Amis de Mediapart organisent le lundi 24 mars, de 19h à 22h, au Tarmac, 159, avenue Gambetta 75020 Paris une soirée pour demander la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin en juin 1957. Un film et un débat en présence de sa veuve Josette Audin seront suivis d’un appel pour la reconnaissance de ce crime d’Etat et des violations massives des droits de l’Homme par l’armée française durant la guerre d’Algérie.

Pendant la guerre d’Algérie, Maurice Audin, jeune professeur de mathématiques, communiste, arrêté le 11 juin 1957 par les parachutistes du général Massu chargés du maintien de l’ordre à Alger, n’est jamais réapparu. C’est la Bataille d’Alger. Quelques trois mille Algériens arrêtés par les parachutistes disparaissent. Le secrétaire général de la police d’Alger, Paul Teitgen, ancien résistant déporté, a compris qu’ils étaient voués à la torture et aux exécutions sommaires, demande qu’une assignation à résidence soit établie pour chacun d’eux, pour qu’il en reste une trace. Puis démissionne en écrivant : « depuis trois mois nous sommes engagés […] dans l’anonymat et l’irresponsabilité qui ne peuvent conduire qu’aux crimes de guerre ». La répression frappe aussi les militants du parti communiste algérien, interdit en septembre 1955. Audin est torturé au centre de détention d’El Biar, tout comme Henri Alleg, ancien directeur d’Alger républicain, arrêté le lendemain au domicile d’Audin, qui témoignera dans La Question. La jeune femme d’Audin, Josette, enseignante elle aussi, reste seule avec leurs trois enfants.

Le 22 juin, elle a la visite de deux parachutistes qui disent « Vous croyez le revoir un jour, votre mari… Espérez, vous pouvez toujours espérer… » et parlent de lui au passé. Le 1er juillet, l’un de leurs chefs, le colonel Trinquier, la reçoit et lui dit que, le 21 juin au soir, lors d’un transfert vers un autre centre, assis, seul, non menotté, à l’arrière d’une jeep, il se serait évadé. Sachant que les prétendues disparitions lors d’une tentative d’évasion sont un mensonge courant pour couvrir des exécutions sommaires, elle n’y croit pas, accuse les parachutistes de l’avoir tué et dépose plainte pour homicide volontaire.

Josette Audin n’a cessé de demander la vérité, aidée par l’historien Pierre Vidal-Naquet qui constitue le Comité Audin, dont Madeleine Rebérioux, future présidente de la LDH, assurera longtemps le secrétariat, et publie en mai 1958, aux éditions de Minuit, L’affaire Audin. Il y démontre l’invraisemblance de la thèse de l’évasion, mais reprend la version parvenue à Teitgen, qui lui avait rapportée, d’une mort accidentelle d’Audin, étranglé lors d’une séance de torture par le lieutenant Charbonnier. Il a fallu attendre mars 2012 pour qu’elle soit remise en cause par une journaliste du Nouvel observateur, Nathalie Funès, qui révèle qu’un autre officier parachutiste, le colonel Yves Godard, commandant alors la zone Alger-Sahel, avait écrit dans des carnets déposés à l’Université de Stanford (Californie), qu’Audin a été tué, sur ordre, par le lieutenant Gérard Garcet. Celui-ci ayant été auparavant aide de camp du général Massu, sa désignation comme l’assassin invitait à regarder de ce côté.

Les confidences tardives d’Aussaresses peu avant sa mort, que le journaliste Jean-Charles Deniau rapporte dans son livre La vérité sur la mort de Maurice Audin confirment non seulement ce nom de l’assassin, mais surtout qu’il a été tué sur ordre de Massu. Poignardé à mort le 21 juin 1957, il aurait été enterré hors d’Alger, dans un lieu où les corps de centaines d’Algériens torturés sont aussi ensevelis. Tout indique qu’Aussaresses, tortionnaire non repenti et habitué aux mensonges, a probablement dit, ici, la vérité, et que la version de la mort accidentelle avait été distillée comme un second mensonge lorsque la thèse de l’évasion était rejetée. S’il y a eu un ordre de Massu, a-t-il été partagé par le ministre résident Robert Lacoste ? Par d’autres au sein du gouvernement ? Dans quel but a-t-il été donné ? Combien de temps les autorités françaises vont-elles se voiler la face sur ce point sombre de notre histoire ?

Paris, le 15 mars 2014

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