Sur les placements d’enfants en France

Avis adopté par l’Assemblée plénière de la CNCDH

En France, 150 000 enfants sont placés à la suite de décisions administratives ou judiciaires : c’est davantage, en proportion, que dans de nombreux autres pays d’Europe.

A l’occasion de la préparation de la session spéciale de l’assemblée générale des Nations Unies de septembre 2001 consacrée aux enfants et en application, notamment des articles 9 et 27 de la Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE), de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de la législation française en vigueur, en particulier de l’article premier de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme rappelle que tout doit être fait pour permettre aux enfants d’être élevés par leurs parents, en raison de quoi les soutiens doivent être orientés d’abord vers l’ensemble de la famille.

1. A cet effet, la Commission souhaite voir se concrétiser rapidement les conclusions et propositions

– du rapport « Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents », rédigé par Pierre Nave et Bruno Cathala avec Jean-Marie Deparis, à la demande conjointe des Ministères de l’Emploi et de la Solidarité et de la Justice, rendu public en juillet 2000 ;

– du rapport « Le contradictoire et la communication des dossiers en assistance éducative » réalisé par un groupe de travail présidé par Jean-Pierre Deschamps, destiné au Ministère de la Justice ;

– du rapport du groupe de travail « Famille et pauvreté », installé par la Ministre déléguée à la famille et à l’enfance en septembre 2000.

2. La Commission insiste sur la priorité qui doit être donnée à la prévention entendue comme offre d’accompagnement et non comme renforcement du contrôle. Les soutiens offerts par la famille élargie (grands-parents…) doivent pouvoir être naturellement pris en compte.

La prévention doit être développée dans le sens d’une recherche de la promotion des familles par l’effectivité de leurs droits fondamentaux et par la mise en œuvre d’actions qui allient soutiens individuels et collectifs multiformes, y compris dans le domaine culturel, offerts par des équipes pluridisciplinaires, d’accord pour intervenir à partir des demandes et aspirations des familles. Ces soutiens à la famille doivent être offerts également, même si un placement est intervenu, pour permettre aux parents de réoffrir le plus vite possible les bonnes conditions d’un retour de leur(s) enfant(s) au sein de la famille.

3. La Commission rappelle l’exigence de respecter les droits des familles et des enfants, en particulier :

– en garantissant l’effectivité à leur égard de tous les droits fondamentaux, tels que rappelés à l’article premier de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions ;

– d’utiliser toutes les mesures possibles de prévention avant de recourir au juge ;

– en introduisant le contradictoire dans les procédures d’assistance éducative :

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les familles doivent pouvoir accéder à leur dossier avant l’audience et à tout moment de la procédure ;
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le juge doit les informer, dès la première convocation, qu’elles ont cette faculté et qu’elles peuvent, pour cela, se faire accompagner ; outre les avocats cet accompagnement pourra être effectué par des personnes, associations ou organismes habilités pour cela et dont la liste sera jointe à la convocation de la famille ;
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l’assistance d’un avocat doit être obligatoire en appel, en cas de placement exceptionnel à la naissance et dans les situations où il apparaît au juge que les intérêts d’un enfant qui n’est pas en âge de s’exprimer sont contraires à ceux de ses parents ;
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si le juge sent qu’il se trouve avec la famille dans une situation d’incompréhension forte, de tension trop grande ou de conflit, il doit avoir l’obligation de conseiller à la famille de recourir à l’assistance d’un avocat ;
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l’avocat doit pourvoir obtenir copie des pièces du dossier et pas seulement le droit à consultation sur place ;
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les avocats ainsi sollicités doivent être particulièrement formés à la connaissance des personnes en situation de précarité (puisqu’elles sont majoritaires dans ces procédures), au dialogue avec elles et au droit de la protection de l’enfance ;
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lorsqu’un placement provisoire a été ordonné en urgence, sans audition préalable de la famille, le juge des enfants doit avoir l’obligation de recevoir la famille dans un délai de 15 jours, faute de quoi les enfants sont remis à la famille ;
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le code de procédure civile doit prévoir une procédure d’appel en urgence et les cours d’appel doivent être dotées des moyens d’examiner les appels d’ordonnances de placement provisoire dans un délai de moins de 3 mois, faute de quoi les enfants seront remis à leur famille.

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