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L’effroi

«Se précipiter par cette fenêtre, c’était du suicide. Il n’y a aucun balcon pour s’enfuir. C’est une façade d’immeuble lisse», explique Maryse, membre de RESF. Mercredi 12 septembre, un jeune Tunisien sans papiers a plongé de la fenêtre du quatrième étage du domicile de sa belle-sœur, à Péage-de-Roussillon, petite ville du Nord de l’Isère. Il était accompagné par les deux gendarmes qui l’avaient interpellé pour un contrôle d’identité. Il aurait tenté d’enjamber la fenêtre. Sans réfléchir. Moins d’un mois après la chute d’Ivan, qui avait voulu suivre son père sans papiers fuyant par les balcons à Amiens, ce nouvel incident n’a soulevé que peu d’émotion. Le lendemain, le ministre de l’Identité nationale Brice Hortefeux convoquait même Michel Morin, le préfet de l’Isère, et dix-huit autres préfets pour leur signifier l’insuffisance de leurs résultats en matière d’expulsion.

«Ce jeune a des fractures du bras, de la jambe, du bassin. La colonne vertébrale et le thorax sont touchés, résume Maryse. Il a été héliporté et hospitalisé à Lyon.» Il avait dit aux gendarmes avoir laissé ses papiers chez sa belle-sœur. «La belle-sœur est d’ici. Elle a deux enfants à l’école, poursuit Maryse, qui est aussi adjointe au maire de Roussillon. Mais la police vérifie encore l’identité du jeune homme, qui n’était pas connu dans le quartier. A un moment donné, il a pris peur. Pourtant, il y a des accords franco-tunisiens qui auraient sûrement permis de régler le problème. Mais la tension autour des sans papiers est trop forte en ce moment.»
Particulièrement «remués», les gendarmes ont aussi été entendus. «L’un d’eux a été légèrement blessé en essayant de le retenir. Il porte d’ailleurs des bandages à la main», dit l’élue. Une enquête a été confiée au SRPJ. Marcel Berthouard, le maire (PC) de Roussillon, a dénoncé «la suspicion systématique», «le harcèlement» et «la terrorisation quasi quotidienne des étrangers en quête de papiers».

Pour cette agglomération, c’est la deuxième défenestration d’un sans papiers en l’espace d’un mois. Le 4 août, Sébastien, un jeune Congolais parrainé par RESF, s’était déjà jeté par la fenêtre du deuxième étage de l’hôtel de police de Lyon. «Sébastien a été plus légèrement blessé, à la cheville et au thorax, dit Maryse. Mais il a été hospitalisé d’office parce que les médecins ont craint qu’il ne mette encore sa vie en danger. Il est terrorisé par l’idée d’être reconduit à la frontière.» Sébastien logeait au foyer Sonacotra de Péage-de-Roussillon. Sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), il avait été arrêté par la police de l’air et des frontières (PAF) à la sortie de la plateforme d’accueil des étrangers de Vienne, où il s’était rendu pour compléter sa demande d’asile. Conduit dans les locaux de la PAF, les policiers lui avaient annoncé qu’ils envisageaient de le conduire au centre de rétention, en vue de son expulsion rapide vers le Congo-Kinshasa.

« Les conduites à risque, les réactions suicidaires se multiplient chez les sans-papiers, m’explique Marie-Thérèse, une militante grenobloise. Mokhtari, un jeune Algérien, est en rééducation au Plateau des petites roches. Il a tenté de s’enfuir par la fenêtre lui aussi, à l’arrivée de la police chez lui, dans le quartier de la Villeneuve à Grenoble. C’était au petit matin. Il a été grièvement blessé. Mokhtari est aussi un demandeur d’asile débouté. Il travaillait au noir chez un commerçant.» Dans les environs de Grenoble, l’an dernier déjà, un sans papiers s’était enfoncé un couteau dans le ventre sous les yeux des gendarmes venus l’arrêter.

Près d’une semaine après sa convocation chez Hortefeux, le préfet de l’Isère doit recevoir, mardi, plusieurs associations de soutien aux sans papiers
par Karl Laske

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