Questionnaire aux candidats à l’élection présidentielle

Réponse de Lionel Jospin

SOCIETE

Êtes-vous en faveur d’une abrogation de l’obligation de suivre un enseignement religieux dans le statut scolaire d’Alsace Moselle et à une refonte du droit local ?

L’enseignement religieux dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle vient d’une longue tradition qui remonte au XIXème siècle. Elle participe de la culture générale et se limite le plus souvent à un simple éveil culturel et religieux. Je ne suis pas opposé à ces enseignements dès lors qu’il est toujours possible de s’en dispenser, pour ceux qui le souhaitent. La question posée ne fait pas actuellement l’objet de tensions dans l’Académie de Strasbourg, elle ne me semble donc pas appeler de réforme particulière. Le nombre d’élèves demandant une dispense dans les collèges et les lycées ne cesse d’ailleurs d’augmenter et correspond désormais à près des deux tiers des effectifs. En revanche, dans le premier degré, les dispenses ne sont encore demandées que par moins du tiers des familles.

Êtes-vous en faveur de la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues. Êtes-vous en faveur de la légalisation encadrée du cannabis ?

Non. Il y a un problème de santé publique. Les problèmes de consommation de drogues et de substances psycho-actives concernent des dizaines de milliers de personnes en France. Ils me préoccupent beaucoup. La dépénalisation, même du seul cannabis, serait un mauvais signal, notamment en direction des jeunes. Il y a également un problème de sécurité lié aux effets de certaines consommations (agressivité physique, sécurité routière) et aux conséquences des trafics (délinquance, violence ou blanchiment d’argent), éléments majeurs d’une grande criminalité. La dépénalisation ne règlerait rien en matière de trafic de substances illicites.

En revanche, il faut être réaliste. La différence entre le cannabis et les drogues « dures » est réelle. La place de la consommation de cannabis dans notre société ne peut être ignorée : 50% des adolescents admettent en avoir consommé ; de nombreux tribunaux ne poursuivent plus la consommation. Et la consommation à haute dose de tabac ou d’alcool est également nocive. C’est pourquoi je pense qu’il faut appliquer la loi de manière intelligente et travailler à une politique mieux adaptée aux évolutions actuelles des comportements de consommation. Ce que je réprouve, ce sont les comportements à risque. Il serait utile de susciter un débat parlementaire qui aborde l’usage des drogues dans tous ses aspects – judiciaires, internationaux, sanitaires et sociaux – et pas seulement répressifs.

Vous engagez-vous à agir contre la brevetabilité du vivant ? Quelle politique conduirez-vous au niveau européen concernant les plantes transgéniques ? Impulserez-vous une loi relative aux biotechnologies qui tienne compte des risques encourues, de l’intérêt scientifique et de l’utilité sociale des recherches ?

Je prône le pragmatisme en la matière. Les deux écueils sont connus : la violation du principe de précaution et les obstacles au progrès scientifique.

Sur la brevetabilité du vivant, les choses sont claires : la loi sur la bioéthique interdit qu’un élément du corps humain, y compris un gène, soit une invention brevetable. Je suis fermement opposé à ce qui, de près ou de loin, revient à commercialiser le corps humain.

Concernant les OGM, c’est un sujet difficile, qu’il faut aborder de manière pragmatique et dépassionnée. Rejeter les OGM par principe bloquerait le progrès scientifique. De grands scientifiques français se sont adressés à moi après les destructions de récolte par des militants anti-OGM en dénonçant le risque d’un nouvel obscurantisme. A l’inverse, le principe de précaution doit s’appliquer : il ne faut faire courir aucun risque aux consommateurs. C’est pour cette raison que, sous l’impulsion de mon gouvernement, un moratoire européen a été décidé sur les nouvelles autorisations de mise en culture d’OGM. Il faut regarder au cas par cas. Il faut s’efforcer de distinguer, sur la base de données scientifiques objectives, les OGM qui peuvent être bénéfiques, par exemple pour lutter contre des maladies jusque-là incurables, de ceux qui sont peut-être dangereux pour l’homme ou la nature, ou qui n’ont d’autre objectif que commercial, notamment ceux qui servent à stériliser les semences pour que les agriculteurs soient obligés de racheter leurs graines chaque année auprès des industriels.

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