Malgré les tentatives d’intimidation policières, réunion du groupe REMDH-Solidarité à Tunis

Communiqué

À l’initiative du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), une délégation de représentants de la société civile européenne s’est rendue en Tunisie du 13 au 15 novembre afin de participer à une série de rencontres avec les représentants des organisations autonomes de défense des droits de l’Homme. La délégation était conduite par Marc Schade-Poulsen, directeur exécutif du REMDH.

Cette visite fait suite à la constitution d’un « Groupe REMDH-Solidarité » qui rassemble les membres tunisiens du REMDH et plusieurs organisations européennes de défense des droits humains.

Le séjour de la délégation du REMDH a été étroitement encadré par une présence policière permanente et ostentatoire. La délégation s’est indignée de la volonté d’intimidation exercée à travers une présence policière autour des locaux des associations non gouvernementales des partis de l’opposition et d’une vingtaine de figures de l’opposition et de la société civile, ainsi que du harcèlement policier et administratif auquel les défenseurs tunisiens sont constamment exposés dans leur vie quotidienne.

Malgré les mesures d’intimidation visant à les empêcher de rencontrer leurs homologues tunisiens, le « Groupe REMDH-Solidarité » a pu se réunir le samedi 14 novembre après-midi et tenir une rencontre informelle le dimanche 15 novembre avec une dizaine d’associations tunisiennes pour la plupart non reconnues par les autorités en dépit de leurs activités légitimes pour la protection des droits humains, et avec des comités de soutien et syndicats de la presse récemment constitués pour faire face à des violations tout récentes de la liberté d’expression et de réunion.

Les membres européens de la délégation se sont félicités de la tenue de ces rencontres et de la grande qualité des débats. Ils ont pu bénéficier d’un exposé exhaustif des atteintes systématiques à la liberté de communiquer et de se réunir des défenseurs tunisiens. La délégation a par ailleurs appris avec inquiétude la grève entamée le 10 octobre par les journaux indépendants « Tariq al jadid », « Mowattinoun » et « Al Mawkef » pour protester contre l’asphyxie à laquelle ils sont soumis, et mesuré la nature outrancière et haineuse des campagnes de diffamation de la presse pro-gouvernementale contre les personnalités indépendantes. Dans ce contexte, la délégation a noté avec intérêt l’instauration d’une « Commission nationale pour la défense de la liberté d’expression et de l’information en
Tunisie ».

Des rencontres ont également eu lieu avec des proches, des avocats ou des membres des comités de soutien des journalistes Taoufik Ben Brik et Zouhair Makhlouf, arbitrairement détenus pour leurs écrits.

La délégation a été tenue au courant des conditions de surveillance policière systématique a l’égard de Me Radhia Nasraoui, Présidente de l’Association de Lutte contre la Torture en Tunisie (ALTT).

Le « groupe REMDH-Solidarité » a été informé de l’interdiction arbitraire, samedi 14 novembre, de la tenue d’une session de formation pour jeunes dans le cadre de l’Université féministe « Ilhem Marzouki » menée par l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). La délégation a condamné ces pratiques, les jugeant d’autant plus inacceptables que la Tunisie se prévaut sur la
scène internationale de la situation « exceptionnelle » des droits des femmes et de son volontarisme en faveur de la jeunesse.

Les membres de la délégation ont pris par ailleurs connaissance de la situation économique et sociale dans le bassin minier de Gafsa-Redeyef qui demeure une source de vive préoccupation. Des inondations ont affecté la région au mois de septembre dernier, aggravant la crise socioéconomique qui avait déjà suscité un fort mouvement de protestation à partir de janvier 2008, et conduit à l’arrestation de 38 militants syndicaux. Ceux-ci ont été remis en liberté conditionnelle les 4 et 5 novembre 2009.

Les participants de la délégation ont été choqués par le blocus imposé suite à ces réunions, et même après le départ de la délégation, par des policiers en civil sur les locaux associatifs, dont la Ligue tunisienne des droits humains (LTDH), le Comité national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et l’ATFD et autour des maisons privées de défenseurs de droits humains, à l’image de Mme Khadija Cherif, Mme Sana Benachour, M. Khémais Chammari et Mme Sihem Bensedrine. Ils condamnent avec la plus grande fermeté la violente agression dont a été victime M. Omar Mestiri (CNLT) à la suite de sa participation à la réunion du « groupe REMDH-Solidarité ». La délégation exprime par ailleurs sa solidarité avec M. Jaloul Azouma, président de l’Union des écrivains libres, et avec les responsables de l’association Liberté et Equité, Abedelkrim Harouni, secrétaire général, et Hamza Hamza, responsable des relations avec la société civile, qui ont fait l’objet d’arrestations arbitraires, d’interrogatoires illégaux et de menaces de la part des forces de police à la suite de leur rencontre avec la délégation du REMDH.

Plus généralement, le REMDH exprime son extrême préoccupation face à l’ampleur et l’intensité de la vague de répression contre les journalistes libres, les journaux et les associations indépendantes ainsi qu’à l’égard des bloggeurs contestataires et indépendants que connaît actuellement le pays.

Au terme des rencontres, le REMDH réaffirme la volonté de contribuer à élargir le mouvement international et euro-méditerranéen de solidarité avec les défenseurs des droits humains en Tunisie. Il insiste pour que les organes décisionnaires de l’Union Européenne (Parlement, Conseil, Etats membres) conditionnent effectivement les relations entre l’Union Européenne et la Tunisie au respect des droits humains et des organisations indépendantes qui les défendent.

Le Groupe REMDH-Solidarité rassemble :

>la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) présidée par Me Mokhtar Trifi,

>le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), dont la porte parole, Sihem Ben Sedrine, et Omar Mestiri, le représentant au sein du REMDH

>l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), présidée par Sana Ben Achour et dont Khadija Cherif est la représentante au sein du REMDH,

>la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR) présidée par Muhieddine Cherbib,

>le Comité pour le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en Tunisie (CRLDHT), représenté par Me Houcine Bardi

>la Ligue des droits de l’Homme (France), représenté par Me Jacques Montacié

> ACSUR-Las Segovias (Espagne), présidée par Juan Guirado et représentée par Magali Thill

>International Sollicitors for Human Rights (Royaume Uni), représenté par Me Michael Ellman et Me Wendy Pettifer

>Anna Bozzo, membre honoraire du REMDH (Italie)

>Khémais Chammari, membre honoraire du REMDH (Tunisie)

Copenhague, Londres, Madrid, Paris, Rome, Tunis, le 22 Novembre 2009

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