Lettre ouverte au président de la République, adressée par le collectif Plateforme des 28

Lettre ouverte adressée à François Hollande par le collectif Plateforme des 28, dont la LDH est membre, pour exiger une réforme pénale d’envergure.Monsieur le Président de la République,

Le 17 janvier 2012, 28 organisations (associations, fédérations et syndicats) s’indignaient de la construction programmée de 30 000 places de prison, non-sens à la fois humain, économique et juridique.

Depuis, l’alternance politique a conduit à :
– l’annonce de l’abandon partiel du plan de construction malgré le fait que plusieurs milliers de places supplémentaires sont maintenues ;
– un discours en rupture avec les politiques passées du « tout carcéral » ;
– la tenue d’une conférence de consensus sur « la prévention de la récidive » qui propose une nouvelle politique pénale limitant la référence et le recours à l’emprisonnement.

Nos organisations saluent ces avancées indéniables. Mais ces bons augures ne resteront-ils pas lettre morte si un projet de loi d’envergure à la hauteur de la salutaire rupture annoncée en matière de politique pénale ne devait être proposé rapidement ?

Nous, collectif de 28 organisations, issues de la société civile, du monde professionnel, associatif, syndical, cultuel, médical, caritatif et politique, appelons de nos vœux une politique pénale, articulée en amont à une politique sociale de prévention de la délinquance non réductible à la nécessaire prévention de la récidive.

Par leur pratique, nos organisations de terrain constatent que les courtes peines ne font pas baisser la délinquance et creusent les exclusions. C’est pourquoi nous appuyons sans réserve la volonté affichée par la Garde des Sceaux de ne plus faire de l’enfermement la peine de référence.

Plus encore, nous soutenons une prise en charge effective de toutes les mesures d’aménagement de peine et une politique en la matière prenant en compte l’individu dans toutes ses dimensions. A ce titre, les mesures de libérations conditionnelles, de semi-liberté et de placements à l’extérieur doivent être développées et dotées d’un accompagnement socio-éducatif.

Nous alertons sur la nécessité de consacrer des moyens à la hauteur des ambitions et perspectives promises par l’introduction dans notre droit d’une « peine de probation » ou « contrainte pénale communautaire ». Au-delà de la chaîne judiciaire, c’est l’ensemble des services publics qui doivent être mobilisés, en complémentarité avec les acteurs de terrain. Pour permettre cette prise en charge individuelle et cet accompagnement interdisciplinaire, une volonté politique explicite et un cadre normatif précis sont indispensables. Faute de quoi, la démarche positive et juste visant à donner du sens à une peine exercée au sein de la communauté risque de se retourner contre ses acteurs, contre les personnes placées sous-main de justice, et finalement contre la société toute entière.

Enfin, il nous paraît essentiel de rappeler à nos gouvernants que les prisons françaises doivent être de taille permettant les relations humaines, favorisant la réinsertion et la proximité souhaitée avec
les proches et qu’un établissement de plus de 200 places est générateur de tensions… Or les chantiers en cours ou validés par le gouvernement vont plutôt dans le sens de gros établissements qui rendent encore plus difficile le respect des Règles Pénitentiaires Européennes en matière de
taille, de conception des espaces et des lieux géographiques d’implantation. Au nom d’économies d’échelles supposées, la préservation des liens familiaux et de conditions de détention dignes ne doit pas être sacrifiée.

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à notre démarche, nous vous prions, Monsieur le Président de la République, d’agréer l’expression de notre très haute considération.

Liste des signataires de la présente lettre :

Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture)

AFC (Association française de criminologie)

ASPMP (Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire)

Aumônerie catholique des prisons

Aumônerie musulmane des prisons

Ban public

CGT (Confédération générale du travail)

Fédération Citoyens et Justice

La Cimade

Croix-Rouge française

Farapej (Fédération des associations reflexion-action et justice),

Genepi (groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées)

LDH (Ligue des droits de l’Homme)

Parole aux familles de détenu(e)s

Secours Catholique

Saf (Syndicat des avocats de France)

Syndicat de la magistrature

Snepap-FSU(Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire)

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