Le Conseil constitutionnel sort le harcèlement sexuel du Code pénal

La LDH fait l’analyse de la décision du Conseil constitutionnel sur le harcèlement sexuel et de son contexte par recours à la possibilité d’un question prioritaire de constitutionnalité. L’effet de la QPC, le résuiltat en matière pénal, et les conséquences à court terme.Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, applicable au 1er mars 2010, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction administrative ou judiciaire, il est soutenu qu’une disposition législative « porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit » (article 61-1 de la Constitution), le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai de trois mois.

C’est sur la base de cette disposition que le Conseil constitutionnel a été saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation à la demande d’un prévenu poursuivi pour harcèlement sexuel (article 222-33 du Code pénal) et qui soutenait qu’en ne définissant pas de manière précise les éléments constitutifs du délit, le législateur a méconnu le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, abroge l’article 222-33 précité au motif qu’il méconnaît le principe de légalité des délits et des peines. Le Conseil rappelle sa jurisprudence selon laquelle « le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ». Or, en l’espèce, le Conseil estime que les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas suffisamment définis. En effet, l’article 222-33 du Code pénal se contente d’une tautologie en définissant le harcèlement comme « le fait de harceler » ! Cette imprécision du texte (dans sa rédaction de la loi du 17 janvier 2002) s’est en quelque sorte retournée contre les victimes puisque, nombre de parquets et de juridictions pénales hésitaient à poursuivre ou condamner. C’est la raison pour laquelle les associations de victimes étaient favorables à une réécriture du texte.

La décision du Conseil constitutionnel qui, selon les dispositions de l’article 62 de la Constitution, s’impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles prend effet à compter de la décision d’abrogation et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. Le Conseil constitutionnel n’a pas souhaité reporter les effets de sa décision estimant sans doute qu’il lui était difficile de prolonger la vie d’un texte dont il reconnaissait l’inconstitutionnalité car contraire à un principe fondamental du droit pénal, garantie des libertés publiques et rempart contre l’arbitraire.

Le vide législatif ainsi créé est en réalité imputable au seul législateur qui, à l’époque contemporaine, a multiplié les textes imprécis dans un dessein sécuritaire. Le Parlement devra s’emparer prochainement de la question et adopter un texte tenant compte évidemment de la décision du Conseil constitutionnel, donc en précisant les éléments du délit de harcèlement sexuel comme cela était le cas avec la rédaction antérieure à la loi de 2002 où l’on trouvait des termes expressifs d’un comportement délictueux (« Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves », mots résultant de la loi du 17 juin 1998). En attendant, les parquets et juridictions pénales peuvent toujours recourir à d’autres incriminations (violences, agressions sexuelles…) dès lors que les faits reprochés entrent dans la qualification, afin que les victimes ne subissent pas les conséquences d’une carence du législateur.
Patrick Canin

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