La laïcité est toujours une idée neuve

L’égalité des droits

En France, dans notre histoire, la laïcité a forgé, en même temps, que le rejet de tout cléricalisme, la revendication de l’égalité des droits. C’est au travers d’un contrat civique et social fondé sur l’égal accès de tous au savoir et aux fonctions, donc sur le refus de toute discrimination que chacun a accepté de s’inscrire dans cette démarche. Cette dimension est, aujourd’hui, gravement mise en échec.

Discrimination « ethnique », d’origine, de sexe, d’âge, de condition sociale, d’orientations sexuelles, etc. : l’inventaire est incomplet mais toutes les discriminations compromettent le contrat civique. Les discriminations religieuses aussi, tant il est vrai que la deuxième religion en France ne trouve pas les moyens convenables de sa pratique et de son expression. Comment faire admettre à un musulman que la laïcité lui garantit le droit de pratiquer sa foi si, successivement, certains lui opposent que l’Islam n’est pas compatible avec la République, qu’il ne peut construire ses lieux de culte et, pire que tout, que cette religion est devenue synonyme d’insécurité et de terrorisme ? Dans ces conditions, la laïcité risque de devenir un pure concept abstrait, dénué d’effectivité et, dès lors, entendu comme un mensonge par ceux qui subissent ces discriminations quant elle n’est pas détournée de son objet pour devenir vecteur d’exclusion.

Les acteurs institutionnels eux-mêmes ont changé : la République a longtemps regardé les corps intermédiaires comme suspects, conférant à chaque individu, au peuple et à ses délégataires, la seule reconnaissance institutionnelle.

Manifestement là aussi, les choses changent. La délocalisation du pouvoir effectif vers des lieux éloignés (pas seulement en termes géographiques), l’apparition de structures intermédiaires, la nécessité ressentie de plus en plus fortement d’exercer au plus près des lieux de pouvoirs ses droits de citoyens concourent à ce que l’exercice de la souveraineté ne se réduise plus au simple rapport entre électeurs et élus. L’intervention de la ’société civile’, définie ici comme l’ensemble des structures n’ayant d’autre légitimité que celle résultant de la libre association de citoyens dans un but précis, mais aussi des corps publics intermédiaires (les collectivités territoriales, etc.), dans les processus de décision, signe une évolution de la démocratie qu’il nous faut prendre en compte. Le champ du politique est lui-même modifié dès lors que les processus de décision se trouvent déplacés, soit en raison de la faiblesse institutionnelle du pouvoir législatif, soit en raison de lieux de pouvoirs plus puissants (on pense ici aux sociétés transnationales ou aux institutions financières internationales qui imposent une vision ultralibérale de la mondialisation), soit, enfin, par un abandon de la décision à des assemblées d’experts sans autre légitimité que celle de l’expertise.

Voici les données contemporaines qui doivent être prises en compte et auxquelles nous devons apporter des réponses. A défaut, la laïcité restera purement proclamatoire et perdra son sens émancipateur.

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