À propos du harcèlement sexuel au travail

Par Michel Miné, membre du Comité central de la LDH et co-responsable du groupe de travail « Discriminations, racisme, antisémitisme »

 

L’histoire sociale offre des exemples d’actions collectives contre le harcèlement sexuel au travail : une illustration emblématique, la grande grève des ouvrières et ouvriers en 1905, à Limoges, déclenchée par le refus d’une jeune ouvrière du harcèlement sexuel dans une usine de porcelaine.

Avant 1992, quelques décisions de justice avaient condamné pour harcèlement sexuel (en articulant différents textes suivant les cas), notamment lors de procédures d’embauche.

La France s’est enfin dotée d’une législation contre le harcèlement sexuel, notamment dans le travail, en 1992 avec des dispositions dans le Code du travail, le Code pénal et le Statut de la fonction publique (voir Homme & Libertés n°177, article Violences sexuelles au travail : quel droit applicable ?).

Après plusieurs lois modificatives, un régime juridique complet, pas parfait, existe aujourd’hui avec notamment :

  • une définition du harcèlement sexuel, que les agissements soient le fait de l’employeur, d’un détenteur d’un pouvoir hiérarchique ou d’un-e autre employé-e,
  • une politique de prévention obligatoire de la part de l’employeu-r-se ;
  • la responsabilité des salariés harceleurs ;
  • une protection contre les mesures de rétorsion, pour les salarié-e-s refusant le harcèlement, les plaignant-e-s, les témoins ;
  • des instances devant lesquelles le-la salarié-e peut agir (juge du contrat pour demander réparation, juge de la protection sociale, juge pénal) ;
  • des act-eur-rice-s qui peuvent l’accompagner dans ses démarches : délégué-e du personnel, médecin du travail, inspect-eur-rice du travail.

Les nouvelles ordonnances « travail » du 22 septembre 2017 contiennent des dispositions défavorables à l’action contre le harcèlement sexuel au travail et à sa réparation par le juge :

  • disparition du « droit d’alerte » des délégué-e-s du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salarié-e-s ;
  • réparation forfaitaire dans certains cas et non plus intégrale des préjudices subis par une personne harcelée (en cas de prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeu-r-se par un-e salarié-e harcelé-e).

Il existe une contradiction entre l’affirmation d’une politique de « lutte contre les violences sexuelles et sexistes » et ces nouvelles dispositions. De plus, ces ordonnances marquent une régression en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise au regard des obligations de négociations collectives notamment, alors que les agissements de harcèlement sexuel profitent des discriminations professionnelles à l’égard des femmes.

 

 

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