7 novembre 2005 – Violences urbaines

Contrairement à ce qu’indiquait samedi 5 novembre un grand journal du soir, la Ligue des droits de l’Homme n’est pas préoccupée par la démission de M. Nicolas Sarkozy. Pour symbolique que soit cette demande, elle ne résoudra rien. La LDH considère en effet qu’il est illusoire de personnaliser des responsabilités qui concernent le gouvernement en son entier.

 

Le ministre de l’Intérieur, en tenant des propos incendiaires et méprisants pour préparer sa campagne présidentielle en direction de l’extrême droite, a certes commis une faute politique et morale. Mais le Premier Ministre lui a solennellement renouvelé sa confiance à plusieurs reprises, et la responsabilité du gouvernement, comme des gouvernements dont M. Raffarin fut le Premier Ministre, est entière et collégiale.

 

Ce sont des années de politique centrée sur le tout sécuritaire qui sont en cause. Le sabotage des actions de prévention, l’asphyxie du monde associatif, la démolition de la police de proximité, la tolérance à l’égard des discriminations quotidiennes, notamment à l’égard des personnes étrangères ou supposées telles en raison de leur faciès, l’état d’une école qui ne peut réduire la ségrégation nous font mesurer aujourd’hui non seulement l’échec mais la redoutable nocivité de cette politique. Ce n’est pas seulement le langage du ministre de l’Intérieur, ce sont les actes de l’ensemble du gouvernement qui relèvent d’une logique d’apprenti sorcier.

 

Au-delà, c’est aussi l’incapacité des gouvernements successifs depuis des décennies à faire reculer le chômage massif, l’explosion de la précarité, la systématisation des discriminations racistes et territoriales, qui apparaît en pleine lumière aujourd’hui. Les émeutes sont auto-destructrices voire suicidaires, elles nuisent essentiellement à ceux dont elles dénoncent l’exclusion. Mettre fin à la spirale de violence et de destruction est vital pour l’avenir même de ceux qui se révoltent aujourd’hui. L’intervention des forces de l’ordre est inévitable mais la réponse purement policière à la protestation désespérée des exclus, seule envisagée dimanche par le président de la République, accentue le sentiment d’injustice. Il n’y aura pas de retour au calme sans que la République reconnaisse les injustices subies. Il n’y aura pas de paix sans justice, sans révision profonde des politiques publiques qui creusent les inégalités et les discriminations dans ce pays.

 

La violence destructrice ne résoud rien, elle aggrave même les maux contre lesquels elle prétend se dresser, mais il n’en est que plus urgent de construire une mobilisation civique qui permette aux victimes de l’injustice de s’unir pour qu’il y soit mis fin. C’est d’une véritable mobilisation de toutes les forces sociales et politiques qui rejettent les discours d’élimination du gouvernement et notamment du ministre de l’Intérieur que nous avons besoin. C’est une véritable campagne pour le respect, pour l’égalité et pour les droits civiques qu’il faut aujourd’hui engager, « tous ensemble », afin que les actes des gouvernants cessent de contredire la devise de la République.

 

Paris, le 7 novembre 2005

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