4 avril 2005 – Laïcité Quels droits garantit la laïcité en 2005 et quels nouveaux droits ouvre-t-elle ?

Texte du groupe de travail “laïcité”

II/ Ce qu’il convient de rappeler : les principes, les deux autonomies, du sujet et de l’Etat.

La laïcité est d’abord émancipatrice. Elle permet de respecter la liberté des consciences. Du point de vue de la loi, la conviction religieuse est un droit pour chaque sujet. Chaque citoyenne, chaque citoyen est appelé à la responsabilité et à l’autonomie. Mais du point de vue de la loi aussi, la religion est une option, non obligatoire. La loi est donc nécessairement établie hors de toute référence religieuse. Par contre la loi protège l’expression de la conviction religieuse, individuelle ou collective, parce qu’elle défend par là une liberté.

a) Principes.

L’Etat a acquis avec la laïcité une autonomie par rapport aux religions. La situation de la monarchie avant 1789 était une situation d’hétéronomie par rapport à la religion catholique, hétéronomie renforcée par la révocation de l’édit de Nantes, révocation qui faisait de la religion catholique la religion unique du monarque et de ses sujets ; les non catholiques n’existaient plus comme sujets jusqu’à 1787. A partir de 1789 la légitimité de l’Etat repose sur la nation, puis sur le peuple souverain après la proclamation de la République. L’Etat est la source unique de la loi et du droit (Code Civil). Les religions n’interfèrent en rien dans l’établissement des lois et du droit. Dans certaines religions existent des traditions ou des fonctionnements juridiques. Il ne s’agit que d’une analogie avec le système juridique national ou international : et encore cette analogie ne repose-t-elle en ceci que, dan les deux cas on essaie de définir ce qui est licite et ce qui ne l’est pas, mais, dans le cas des religions ces définitions ne concernent que les pratiquants de la religion exclusivement, dans l’autre cas elles concernent tout le monde. Au passage, on comprend mieux que la laïcité est très liée au christianisme pour lequel cité de Dieu et cité terrestre, spirituel et temporel n’ont jamais été « du même ordre ». Cette distinction des deux ordres n’est pas universelle, même si on la souhaite universalisable. Mais il n’existe aucune interférence susceptible un jour de légitimation entre ces systèmes juridiques des religions et le droit positif dont relèvent tous les citoyens. Autrement dit il n’y a aucune chance pour qu’un jour, la charia interfère avec le droit positif. Les religions et leurs institutions ne concernent jamais qu’une partie des citoyens, ce qui les rend illégitimes à vouloir parler au nom de tous. Les religions, les institutions religieuses relèvent, en tout état de cause, du droit privé.

b) Les incertitudes et le trouble consécutifs à la loi de mars 2004.

La loi de Mars 2004 a rendu plus difficile cette lisibilité : en effet jusque là l’école était neutre dans ses locaux, les personnels étaient tenus en matière de religion à la réserve ; mais cette réserve ne concernait ni les élèves, ni leurs parents ; la nouvelle loi demande aux élèves de respecter cette réserve, comme si ils avaient les éléments pour juger, ce que précisément l’école devrait leur fournir ; en principe les parents ne sont pas concernés ; mais les confusions et les débordements sont nombreux. De plus, cette situation est très malsaine, même et surtout dans un contexte international difficile à lire, puisqu’on donne tous les éléments pour amalgamer en une sorte de substance tous les éléments se rapportant de près ou de loin à l’islam ; et faire de cette substance musulmane un bloc cohérent incompatible avec toute modernité, dangereux voire menaçant. Or on sait depuis les « Réflexions sur la question juive » que ce genre d’essentialisation joue un rôle primordial pour alimenter le racisme. De même qu’il n’ y a pas plus de substance de la judéité que de vertu dormitive de l’opium selon Sartre, et avec l’éclairage qu’en donne Benny Lévy, de même il n’y a pas. de substance générale de l’Islam qui engendrerait nécessairement l’islamisme. Cette position est extrêmement difficile à tenir, et d’abord parce que l’islamisme existe. Et que, par ailleurs, certains musulmans prétendent instaurer l’Etat islamique par le meurtre et la terreur. Ensuite, parce qu’un grand nombre de tenants des religions prétendent à la nature substantielle de la religion qu’ils professent. La laïcité au contraire impose de ne connaître que des faits dans leur diversité géographique et historique, des islams et des musulmans, en quête peut-être de leur unité. De même la laïcité requiert de souligner l’illégitimité de toute religion si elle prétend à l’universel.

c ) La laïcité : essai de définition générale et actualisée.

La laïcité est ce dispositif qui permet d’articuler la singularité et l’autonomie des sujets dans leur multiplicité, la légitimité de leurs droits y compris en matière de religion, individuellement et collectivement de manière plurielle, avec l’autonomie de l’Etat par rapport à toutes les religions. La loi, le droit ne relèvent que du peuple souverain et des institutions qu’il amis en place à cet effet. En dehors même des religions, la laïcité impose un regard critique sur toute prétention à la substance ou à la transcendance, fussent celles de l’Etat ou de l’Humanité. D’un point de vue laïque, n’existent que des sujets autonomes responsables de leurs actes, de leurs choix, de leurs droits Ces sujets s’accordent pour contracter un Etat de droit qui garantisse leur coexistence dans la liberté, l’égalité, la fraternité.

d) Ce que ne peut pas être la laïcité.

Cette laïcité de principe et d’exigence est très exactement le contraire de l’instrumentalisation qui en a été faite, et qui, par une sorte de perversion médiatique et confusionnelle, sert uniquement, à partir d’arguments sensibles et apparemment sensés comme la cause des femmes, à réveiller un communautarisme républicain plus passionnel que compassionnel. Là aussi l’exigence de laïcité contraint de déconstruire cette image d’un universel laïque et républicain substantiel qui n’a jamais existé et qui ne sert, en la circonstance, qu’à discriminer et disqualifier une partie des jeunes français. Mais en aucun cas cette exigence ne peut introduire de confusion sur le statut des religions définitivement privées.

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