23 juin 2005 – Informatique et libertés On n’est jamais trop jeune pour Big Brother

Communiqué commun On n’est jamais trop jeune pour Big Brother : Le fichage au FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) des mineurs des 13 à 18 ans dans le Val-de-Marne

L’une des lois Sarkozy, du 13 mars 2003, prévoyait, outre des peines d’emprisonnement ferme contre les mendiants, les nomades et le racolage passif, de créer le FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques).

La loi Perben 2 du 9 mars 2004 a complété ce dispositif en imposant de ficher les ADN des personnes condamnées, non seulement pour les crimes les plus graves, mais aussi pour les délits les plus courants, tels que les vols, les dégradations volontaires, les violences volontaires, les menaces de violence…

L’empreinte génétique reste 40 ans (!) dans le fichier, sauf effacement à la demande de la personne, selon une procédure complexe, opaque et donc totalement ignorée du commun des mortels.

Fin 2004, le FNAEG comprenait 40 000 empreintes ADN, l’objectif fixé par N. Sarkozy étant l’inscription au FNAEG de 400 000 nouveaux profils ADN chaque année.

Autant dire que la grande majorité des personnes condamnées par les tribunaux correctionnels (environ 420 000 par an) vont se retrouver à terme dans ce fichier, qui finira par contenir une partie non négligeable de la population.

Quelques affaires récentes ont illustré la banalisation du fichage génétique pénal puisque des syndicalistes, jugés à la suite de manifestations, ont été convoqués par la police pour un prélèvement d’ADN et ont découvert qu’ils encourraient un an d’emprisonnement ferme en cas de refus.

Aujourd’hui, le fichage génétique est massivement appliqué aux mineurs, car la loi s’applique sans aucune limite d’âge à toute personne condamnée pénalement pour les infractions concernées : selon des instructions hiérarchiques, le Procureur de la République de Créteil a en effet demandé aux services de police du Val-de-Marne de convoquer tous les enfants âgés de plus de 13 ans, condamnés depuis le 1er octobre 2004, afin de recueillir leur ADN.

Parmi les 1600 condamnations pénales prononcées en 2004 par les juges des enfants de Créteil, figurent un grand nombre d’admonestations ou de mesures de liberté surveillée, qui entraîneront l’inscription des mineurs condamnés au FNAEG pendant 40 ans.

Il suffit de donner l’exemple de 3 mineurs confiés aux services de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse) du Val-de-Marne, qui sont convoqués en juin à la police pour prélèvement d’ADN : âgés de 16 à 17 ans, ils sont condamnés pour l’un à une simple admonestation pour coups et blessures volontaires, pour l’autre à une mesure de liberté surveillée préjudicielle pour dégradations, et enfin pour le dernier à une mesure de placement pour des atteintes sexuelles alors qu’il avait entre 10 et 13 ans, sur une petite fille de10 ans.

Les conséquences de ce fichage sont extrêmement graves pour l’avenir des enfants, sans proportion avec l’infraction commise pendant la minorité, alors que la majorité des mineurs condamnés par les juridictions des mineurs ne récidive pas.

L’expérience du fichier ’STIC’ (Système de traitement des infractions constatées) montre que les fichiers policiers ou judiciaire sont très perméables : beaucoup d’autres personnes que les officiers de police judiciaire y ont en réalité accès, ce qui peut empêcher une personne fichée d’obtenir un emploi, ou un logement…

Pour exemple à Créteil, beaucoup de jeunes majeurs se voient refuser l’accès à un emploi à l’aéroport d’Orly parce qu’ils sont inscrits dans ce fichier.

Nous demandons donc solennellement au Procureur de Créteil de retirer ses réquisitions d’inscription au FNAEG des mineurs condamnés, afin de ne pas obérer davantage leur avenir, déjà compromis par la situation calamiteuse du chômage des jeunes.

Ligue des droits de l’Homme

Syndicat des Avocats de France

Syndicat de la Magistrature Créteil

SNPES PJJ (FSU) du Val-de-Marne

SPJJ (UNSA) du Val-de-Marne

Créteil, le 23 juin 2005

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