2001 – RAPPORT ANNUEL – Sur la proposition de loi ‘Prévention et répression à l’encontre des groupements à caractère sectaire’ transmise au Sénat en 2e lecture – 1er février

La LDH a pris connaissance de l’avis de la Commission des lois du Sénat concernant la proposition de loi relative aux agissements des groupes à caractère sectaire soumise à cette assemblée.

Quelle que soit la nécessité de mieux appréhender dans leur ensemble les conséquences pénales d’agissements sectaires, la LDH reste persuadée qu’une lutte efficace contre ceux-ci passe d’abord par un engagement résolu de tous les acteurs publics, comme privés, auquel cette proposition de loi ne saurait se substituer.

La LDH manifeste sa satisfaction du retrait du projet d’un délit de « manipulation mentale » et de l’intégration d’un délit d’abus de faiblesse au sein même des dispositions du Code pénal relatives aux crimes et délits contre les personnes.

De la même manière, elle se félicite de la suppression de certains pouvoirs d’interdiction reconnus initialement aux maires.

En revanche, la LDH demande au législateur :

  • de supprimer le recours à la procédure de jour fixe pour dissoudre une association. Sachant que cette procédure de dissolution ne peut avoir lieu qu’après plusieurs condamnations pénales, l’argument de l’urgence qui est invoqué pour justifier la procédure à jour fixe ne résiste pas à l’examen, compte tenu des délais qui se seront déjà écoulés. A cela s’ajoute qu’il n’existe aucune raison de faire de l’urgence, qui doit être toujours une exception, la règle. Si le procureur de la République estime qu’une urgence justifie une procédure à jour fixe, il lui appartient, comme pour tout plaideur, d’en solliciter l’autorisation auprès du juge du siège. Enfin, la pratique judiciaire et les dispositions du Nouveau Code de procédure civile risquent de conduire à un affaiblissement des droits de la défense (communication des pièces, etc.) ;
  • d’intégrer dans les condamnations pénales susceptibles d’entraîner la procédure de dissolution les faits de marchandage et de travail clandestin prévus par les articles L152-361 et L324-9 et L324-10 du Code du travail. Ce sont là, en effet, des pratiques auxquelles ont souvent recours des groupements à caractère sectaire. Le fait que les dispositions de l’article 1 de la proposition de loi exigent, de manière cumulative, l’existence de condamnations pénales mais aussi l’existence d’activités ayant pour but ou pour effet d’exploiter une dépendance psychologique, élimine le risque de poursuivre, sur le fondement de la proposition de loi, les pratiques habituelles en matière de travail clandestin ;
  • de respecter pleinement le principe d’une individualisation des responsabilités et des peines en distinguant, en cas de reconstitution d’un groupement dissout, le sort des dirigeants des simples participants ;
  • de supprimer la possibilité pour des associations, mêmes reconnues d’utilité publique, d’agir d’elles-mêmes en dissolution : la procédure de dissolution d’une association, comme de toute personne morale, est une chose suffisamment grave pour que l’appréciation n’en dépende pas de personnes morales de droit privé.

Les libertés publiques, tant en raison des griefs justifiant de la procédure de dissolution qu’en raison des conséquences de cette procédure, sont ici directement en jeu. Il ne paraît donc pas souhaitable de laisser cette responsabilité à une autre instance que le Parquet.

Enfin, il risque de se produire une difficulté en ce que ce sont les dispositions du Code de procédure pénale qui sont modifiées alors que c’est devant le juge civil que cette procédure a lieu.

Dans la mesure où la proposition de loi envisage expressément la possibilité pour le Parquet d’entamer une procédure de dissolution à la requête de tout intéressé, il semble que cette disposition suffise. Il peut être envisagé d’imposer au procureur de la République de motiver sa décision de rejet et de prévoir un recours devant le procureur général.

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