2001 – RAPPORT ANNUEL – De quelques principes de la LDH – Éditorial de février

Position inconfortable que celle de la LDH qui ne se détermine pas au gré des rapports de force ou des contingences partisanes mais au nom de l’universalité et de l’indivisibilité des droits de l’Homme. Il faut alors braver bien des incompréhensions, bien des passions pour rester fidèles à ce que nous sommes depuis plus d’un siècle.

La nouvelle « affaire » Papon illustre la difficulté de l’exercice. Comment éprouver de la compassion à l’égard d’un homme qui a passé son temps à échapper à ses responsabilités ? De Vichy à la guerre d’Algérie, Maurice Papon a choisi d’être complaisant quant il fallait rompre. Rattrapé par une partie de son passé et refusant de rendre des comptes, il ira jusqu’à donner le pitoyable spectacle d’un ancien ministre de la République devenu fugitif. Il n’est pas étonnant, dès lors, que l’avocat de Maurice Papon demande sa grâce parce qu’il aurait été un bouc émissaire et, accessoirement, en raison de son âge. Une partie des victimes s’indignent, d’autres s’en remettent à la portée symbolique du procès et de la condamnation. D’autres encore prennent position, parce que faisant prévaloir « l’humanité sur le crime », pour la libération de Maurice Papon. La LDH refuse de s’associer à cette demande de Maurice Papon qui conduit à faire de lui, une fois encore, une exception et à infliger un désaveu aux victimes. Elle rappelle, en même temps et de manière générale, qu’il n’est pas digne d’une société démocratique que l’on meure en prison de maladie ou d’âge. Une partie des médias fera un raccourci qui laisse à penser que la LDH participe à la campagne en faveur de la libération de Maurice Papon. France 3 finira par passer un rectificatif, Libération une tribune, la polémique s’installe.

Aussi faut-il dire à nouveau ce que nous n’avons, collectivement, cessé de dire : rien ne peut justifier une mesure de grâce en faveur de Maurice Papon en l’état actuel de sa situation personnelle. L’avocat de Maurice Papon ayant eu l’habilité de donner aussi à sa demande une raison d’ordre humanitaire, nous devions répondre à une interpellation beaucoup plus générale et posée dans les pires conditions qui soient : que pensions-nous de la situation des détenus malades ou très âgés en prison ? Nous avons donc dit notre refus de conditions de détention indignes d’une société démocratique et, en particulier, lorsqu’elles conduisent à laisser des personnes mourir en prison.

Fallait-il dire le contraire au motif que, si la loi pénitentiaire en préparation prenait des initiatives en faveur des personnes âgées et/ou malades, cela pouvait profiter à tel ou tel prisonnier dont le crime paraît encore plus révoltant qu’un autre ? La souffrance des victimes, dont la voix doit être prise en compte, doit-elle définir à elle seule le régime des peines ?

Bien entendu, il ne viendrait à l’esprit de personne de demander à la LDH d’avoir, en ce domaine comme dans d’autres, une politique à géométrie variable. Si tel était le cas, nombre de nos interventions n’auraient pas de sens ou, pire encore, perdraient toute légitimité.

Faut-il faire une ou des exceptions et considérer, par exemple, que les crimes contre l’humanité, après avoir été déclarés à juste titre imprescriptibles, doivent être jugés et sanctionnés de manière exceptionnelle ? Le propre de toute démocratie, c’est d’appliquer la loi de manière égale, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. C’est au nom de ce principe qu’après bien des difficultés, la justice française a fini par juger et condamner M Maurice Papon. C’est ce que disent les statuts des tribunaux pénaux internationaux ou de la future Cour pénale internationale qui ont aboli la peine de mort. Nous n’avons pas dit autre chose en refusant de nous associer à la prétention de Maurice Papon d’être libéré par exception tout en réaffirmant nos principes.

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