Nous venons de fêter le premier centenaire de la loi de 1901 qui a permis l’extraordinaire essor du mouvement associatif en France. Plus de 800.000 associations existent et couvrent les champs d’action les plus divers. Longtemps méfiante à l’égard de tout ce qui pourrait interférer dans le dialogue singulier de chaque citoyen et de la République, celle-ci a fini, non sans difficultés, par reconnaître l’exercice du droit d’association. Les associations sont un élément indispensable de la citoyenneté : c’est par elles que passe ce premier geste d’apprentissage de la démocratie qu’est le fait de s’associer dans un but commun. Cette liberté est essentielle pour que se tisse le lien entre tous les citoyens qui leur permet d’intégrer, à des niveaux divers, l’idée d’un intérêt commun qui ne se résout pas en une somme d’intérêts individuels. Mais tout le bien que l’on peut penser du mouvement associatif et toute la vitalité qui s’y trouve ne peuvent dissimuler les problèmes qui se posent à lui. Ils sont de trois ordres. Force est de constater que l’État a une fâcheuse tendance à faire de certaines associations son instrument : en quelque sorte des dérivés de la puissance publique. Cette instrumentalisation est dangereuse. Dangereuse parce qu’elle ouvre la voie à certaines dérives financières (notamment pour les associations dépendant de collectivités locales), mais aussi dangereuses car cette manière d’agir conforte la tendance naturelle de l’État à contrôler ce qu’il finance. L’indépendance des associations est bien le deuxième défi qu’elles ont à affronter : la nécessité de faire fonctionner des structures de plus en plus lourdes, des équipes de permanents de plus en plus nombreuses, impliquent un financement que les associations peinent à trouver chez leurs seuls adhérents. C’est le militantisme qui s’effiloche au profit de structures de plus en plus professionnelles. Enfin, c’est leur rôle lui-même qui est en cause quand nous constatons que nombre d’entre elles sont incapables d’offrir aux personnes exclues et discriminées, les instruments de citoyenneté dont les associations sont pourtant naturellement porteuses. La charte d’engagements réciproques que nous venons de signer avec le gouvernement est, certes, un pas dans le bon sens en ce qu’elle définit mieux le rôle des uns et des autres. Mais elle ne restera qu’un vœu pieux si elle n’est pas déclinée à tous les niveaux de la vie sociale et par toutes les autorités publiques. Les associations ont un siècle. Le prochain est à construire par des citoyens qui doivent rester maîtres de cet instrument.